Quand on veut, on peut avec de la chance. Table des matières CHAPITRE I - 44 JOURS AUX SOINS INTENSIFS .1 CHAPITRE II - RÊVES DE DENIS .55 CHAPITRE III - À L'ÉTAGE .61 CHAPITRE IV - ÉPILOGUE .70 CHAPITRE I 44 JOURS AUX SOINS INTENSIFS jeudi le 10 octobre 1991
Le téléphone sonne . D'un saut, je me réveille. C'est un policier; il m'informe que Denis est
à l'hôpital de Valleyfield. Il est chanceux; il a des os de cassés mais il va bien. Il est 1:30 a.m.,
j'enfile des vêtements, j'attrape ma sacoche, je claque la porte et je file vers Valleyfield avec ma
CRX. Je suis furieuse - je vais lui en faire un accident. J'étais furieuse en me couchant - Denis
n'était pas encore rentré - je savais qu'il était dans un bar - il m'avait appelé vers 21:30, me disant
qu'il arriverait bientôt. 23:30 - il n'était pas encore rentré - je me suis couchée; je me retournais et
tournais, ma mâchoire raide comme un poteau d'acier. Ma CRX semble avoir des ailes. Des os de
cassé. J'espère que le policier a dit vrai et que c'est pas plus grave; j'ai hâte de le voir et s'il est
Denis est à l'urgence, dans le passage, allongé sur une civière. Il me sourit un peu, il a l'air
okay, il me dit que le policier l'a arrêté; il allait trop vite, il ne se souvient pas, il se souvient être
parti du bar vers 12:30, il a frappé un arbre, on lui a dit. Il a mal à la jambe, au dos, partout. Il doit
passer un autre X-ray. J'entends des personnes dans la salle d'attente parler d'un gros accident, un
gars pas mal défait. Denis sort de la salle, un médecin approche. Denis sera transféré, soit à
Maisonneuve ou à Notre-Dame. Denis a une fracture au bassin et il faut un spécialiste pour ce
genre de fracture. Il avait les testicules détachées du scrotum; ils les ont rattachées ici à
Valleyfield. On me donne les vêtements de Denis, ses pantalons sont en lambeaux; ils ont été
déchirés, probablement pour les lui enlever. Son jacket de cuir est ensanglanté, on me donne ses
effets personnels, pas de lunettes. Denis sera transporté bientôt en ambulance; il y a de la place à
Maisonneuve. Je vais porter les choses à Denis dans l'auto et je décide - je vais embarquer avec
J'embarque en avant. Un infirmier est avec Denis en arrière; il essait de lui mettre un soluté;
il ne réussit pas - il faut retourner à l'hôpital. Une fois réussi, on repart. Denis parle un peu, je le
surveille, il semble un peu plus relax; il sommeille tout doucement. On s'embarque sur la 20.
L'ambulancier me dit qu'il a fallu qu'il appelle les pompiers pour défaire l'auto - il a fallu percer le
toit pour faire sortir Denis de l'auto, Denis était conscient; il a même aidé les pompiers, il tournait
la roue comme on lui indiquait. Je lui dit que Denis se souvient de rien. Il m'assure que c'est
normal - la plupart des accidentés ne se souviennent pas de l'accident lui-même, même s'ils
étaient conscients. Le choc est trop fort. Il me répète qu’il est extrêmement chanceux de s’en être
tiré si bien. Il me dit également que les meilleurs spécialistes pour les fractures au bassin se
trouvent à Maisonneuve-Rosemont. Denis est maintenant endormi et on file à travers Montréal.
On arrive à Maisonneuve vers 5:00. On le place immédiatement dans une grande salle
isolée à l'urgence. Il y a un seul lit et des équipements tout autour, on le transpose de la civière sur
un lit, mais il doit demeuré couché sur le dos, sur une planche de bois à cause de son bassin cassé.
Une infirmière arrive, lui installe un masque d'oxygène. Denis l'enlève souvent mais il a de plus
en plus de la difficulté à respirer. Il a mal partout. Je lui tiens la main. L'infirmière lui essuie le
visage et les mains, lui enlevant un peu de sang. Il a encore le front ensanglanté et les mains aussi.
Vers 7:00, je vais faire quelques appels; j'appelle mon frère Roger à la maison mais sans réponse.
Après une dizaine d'appels, j'appelle ma sœur Yvette, je lui conte l'accident et lui demande de
rejoindre Roger; Roger ira chercher mon auto à l'hôpital de Valleyfield. Puis, j'appelle ma
collègue de travail, Denise; je n'entre pas aujourd'hui. Plus tard, j'appellerai Gina, la secrétaire de
Denis pour lui dire que Denis n'entrera pas.
Vers 8:00, c'est la ronde des médecins. Ils arrivent, deux à la fois et l'examinent; ils sont
terriblement jeunes ces médecins! Je me fais toute petite, près du mur. Il n'y pas de changement;
Denis a encore de la difficulté à respirer, son masque l'aide un peu, quand il le met. Sa pression
est haute, son cœur aussi. On l'emmène au 2e pour un X-ray, puis au 1er pour un scan. Je le suis,
du mieux que je le peux, je ne peux pas entrer dans les salles. ca lui fait mal quand on le déplace -
j'observe lorsque la porte est entrouverte.
On me dit rien mais j'ai le feeling que ça va relativement bien. Son cœur est bon, j'ai cru
entendre, son scan aussi. Son fémur gauche est cassé, de deux façons -complètement à 4 pouces
du genou et de façon diagonale, une mauvaise cassure. Son bassin est cassé. Sa cheville gauche
est cassé, son genou gauche aussi. Il a mal à la main droite, mais personne n’a regardé sa main
La tournée des médecins recommence; Denis a une contusion aux poumons, une petite
rupture de la vessie et une légère contusion aux reins également. Vers 14:30, deux médecins
s’approchent de moi et m’expliquent qu’ils vont opérer Denis pour une partie de ses fractures; ils
vont réparer son genou et sa cheville, vont le mettre en traction et mardi prochain, on l'opérera
pour son bassin et son fémur. Et puis, ce sera tout, je me dis. Deux semaines - 1 mois à l'hôpital et
Denis sera comme neuf. On va ramener Denis aux Soins Intensifs pour la fin de semaine; les
médecins hésitaient entre eux entre les Soins Intermédiaires et les Soins Intensifs.
15:00 Denis part pour se faire opérer. J'appelle ma soeur Claudette et Gina, la secrétaire de
Denis pour les mettre au courant. Je me promène dans l'hôpital - je réalise que j'ai faim - la
cafétéria est fermée - je vais au casse-croûte et je grignote. Je me promène, les Soins Intensifs
sont au 2e étage, il y a une salle d'attente tout près de la porte. Vers 17:00, Claudette arrive aux
Soins Intensifs; elle a tourné en rond dans l'hôpital pour me trouver. On va au casse-croûte. Je
suis tellement contente de la voir, ca fait tellement du bien de parler à quelqu'un. L'opération de
Denis ne m'énerve pas; je suis sûre qu'il sera correct. Après tout, Denis est fort comme un bœuf, il
est invincible. Comme mon père ! Non, Denis est jeune !
Vers 21:00, Denis est revenu aux Soins. On peux entrer le voir. Il est dans la première salle,
en entrant. Il dort. Il a un immense tube dans la bouche, relié à un respirateur. Et il a plein de
tubes sur le bras et est relié à trois ou quatre appareils. Il y a un moniteur qui indique sa pression
et sa pulsation. Les autres tubes, je ne sais pas. Denis semble bien reposer. Il doit garder le
respirateur parce qu'il est cédulé être opéré mardi prochain, du moins, c'est ce que je crois.
Claudette et moi, on part vers chez St-Luc, soulagées d'avoir vu Denis. En sortant, je pense à
Laurent, le frère de Denis Oups, j'avais oublié de l'appeler .
vendredi le 11 octobre
J'ai couché chez Claudette. Claudette travaille ce matin; je l'entends partir vers 7:00 ou
7:30. Vers 10:30, Jean-Marc, son chum, m'amène en ville, à l'hôpital. J'ai hâte de revoir Denis. je
suis sûre qu’il sera mieux. Jean-Marc me laisse à l'entrée de l'hôpital. Je tourne un peu en rond,
trouve les escaliers, les prends. Il est au deuxième étage, Soins Intensifs. Ils m'ont dit qu'on
pouvait arriver vers midi. Il est 11:30; je me demande si je peux rentrer. Allons voir. Denis est
juste en entrant; il dort encore. Ça doit être à cause de l'opération. Puis vers 12:00, il se réveille,
me sourit 'allô' me dit-il ou plutôt me dit-il avec ses lèvres. Car, il a encore un tube dans la bouche
qui l'empêche de parler; il vont l'opérer mardi pour réparer sa jambe et son bassin et il garde le
tube entre les deux opérations. Il est intubé. on dit ici, on lui donne également 6 ml de morphine
Denis m'agrippe la main; il veut parler mais il ne peut pas. Il semble avoir mal un peu
partout. Au moins, il n'est plus sur la planche. J'examine la chambre, c'est un peu exigu, il y a un
lavabo; tiens, je mets mon imper et ma sacoche dans le coin. Une grosse machine est relié au tube
pour l'aider à respirer. Tiens, des fleurs. Je vais voir 'De Chantal' C'est qui, elle ?' Je demande à
Denis, il écrit: « C'est une serveuse du bar - elle se sent coupable » Eh bien, elle se sentirait plus
que coupable si je la verrais !! Maudit bar ! Cris! que je suis enragée. L'infirmière arrive; elle
prend sa température à même le bras, grâce à un tube, puis prend des échantillons de sang. Elle a
l'air gentille. Un médecin entre, elle lui tâte le ventre, ici et là. C'est vrai Denis a plus mal qu'hier
au ventre. Surtout au nombril qu'il a mal et sur le côté. Denis veut écrire: je lui passe un crayon et
un pad: il écrit « c'est des gaz, un pepsi s.v.p. » Le médecin sourit à belles dents; elle semble
15:30. Claudette arrive, elle a quitté l'ouvrage tôt; elle était inquiète. Denis sommeille. On
descend au rez-de-chaussée. On explore. Il y a deux cafétéria mais c’est fermé. On va au casse-
croûte. Je dîne, Claudette grignote. On remonte. Deux jeunes médecins nous approchent, les deux
jumeaux d'hier, on dirait qu'ils font équipe. on nous cherchait. Ils vont opérer Denis tout de suite.
Ils nous expliquent qu'ils ont passé un échographie à Denis, qu'ils ont vu une masse noire aux
intestins. Avec beaucoup de sérieux, celui à la peau basané, un Arabe ?, m'explique que
possiblement, Denis sortira de l'opération avec un sac au bout de l'anus mais ce sera temporaire.
ce n'est que si les intestins sont perforés et qu'il se trouve des déchets dans le ventre. alors, il
n'auront pas le choix. Son compère ajoute un mot réconfortant. On va voir Denis. Il est déjà
entouré de personnes. On s'affaire autour de lui. Denis est mécontent. Il me dit avec ses lèvres
« un pepsi: des gaz ». En effet, on n'a pas voulu qu'il boive; il part pour la salle d'opération, en
haussant les épaules, convaincu que cette opération est superflue.
Claudette et moi, on se retrouve seules encore une fois; on repart pour le rez-de-chaussée;
on regagne notre petit coin, dans le coin des non-fumeurs. L'opération ne m'inquiète pas; je suis
sûre que Denis va être sur pied et prêt à travailler d'ici peu, quoi, deux semaines, un mois. Je me
demande si je pourrais demander c'est quoi au juste qu'il a. Un bassin cassé. Non, je suis sûre
que tout va s'arranger et ensuite, je vais le tuer, l'assommer.
On monte au 2e et on redescend; on alterne entre les deux endroits sans cesse. Le frère de
Denis, Laurent arrive; il est venu directement de son travail; il semble inquiet. Peu de temps
après, sa nièce Sylvie arrive; Sylvie me rassure: les médecins font des miracles avec les os, ils
vont réparer Denis, prendre un os ici et là et tout arranger. Cette belle Sylvie si généreuse, ses
mots sont si réconfortants.À voir Sylvie, à me sentir entourée par Laurent et Claudette, je me
sens mieux; j'ai encore des inquiétudes quant aux séquelles - Denis sera-t-il en chaise roulante,
pourra-t-il marcher un jour, c'est quoi un bassin cassé en deux ? J'aimerais en savoir plus .
Denis est revenu vers 20:00 heures; il dort comme un bon, toujours le tube dans la bouche.
On s'éloigne doucement; on a trouvé une petite salle d'attente tout près. A peine assises, un
médecin arrive, s’assoit devant nous; c’est le médecin qui l’a examiné pour son ventre hier. Elle
est son chirurgien, Dr Dion, dit-elle, elle est encore habillée pour la salle d'opération, le masque
au cou. Elle nous explique qu'elle a coupé 55 centimètres d'intestin. Elle a de beaux yeux qui
sourient; elle a l'air extrêmement fière de son ouvrage et nous décrit que son opération est un
succès, il n'a pas de sac, tout est beau en dedans, pas d'hémorragie interne importante, l'intestin
n'était pas perforé, elle a exploré partout, nettoyé un peu, tout est beau. Il avait une hernie au
nombril, qu'elle a réparée. Elle nous sourit et part. On retourne voir Denis, il se réveille un peu. Il
a l'air OK. L'infirmière est là presque tout le temps. On part pour St-Luc, avec les victuailles que
samedi le 12 octobre
Midi. J'arrive avec Claudette. Denis va bien, il écrit constamment; il veut de l'eau, il a faim,
mais il n'a plus de maux de ventre. Tiens , de la visite, ma mère, Louise et son chum Gilles. Ma
mère est blême, pauvre Maman, je la rassure, Denis est correct, ce n'est que des os de cassé, tout
est beau, elle trouve impressionnant de le voir en traction, la jambe gauche en l'air, une tige entrée
sous le genou gauche, un gros tube dans la bouche et des fils un peu partout. Denis serre la main à
tout le monde et leur sourit. Il hausse les épaules et se sent désemparé. Maman ne reste pas
longtemps, Denis veut enlever son tube pour pouvoir parler, au moins pour la visite écrit-il. Il
veut tout arracher. On le menace de l'attacher. Il se démène, se plaint.
De la visite. Sa soeur Liliane avec son ami Denis viennent lui rendre visite. Denis est
content de les voir, Liliane semble émue. Denis est plus calme.
dimanche le 13 octobre
On est chez Claudette. Je suis décidée. Claudette m'a offert de rester ici, le temps du séjour
à l'hôpital de Denis. Mais ça n'a pas de sens, C'est trop loin et ça n'a pas d'allure que Claudette me
reconduise à l'hôpital sans cesse. Je vais me trouver une place à rester en ville, près de mon
ouvrage et près de l'hôpital. Je pourrais peut-être rester chez ma tante Blanche. Ce serait bien, et
puis, non. Un appartement au centre-ville, je regarde dans LA PRESSE, en encercle une couple,
des coups de téléphone, deux places à aller voir. Claudette, Louise et moi, on part en ville. Gilles
amènera Maman à l'hôpital plus tard. On visite le premier, sur la rue Milton, tout petit, vieux,
minable. Je veux sortir. On se dirige vers la rue Durocher. J'ai apporté une carte. Bon, nous y
voilà. Le concierge, un Arabe fort gentil, nous en montre un, un autre, un autre, puis au 11e, au
dernier étage, un, un peu plus grand, avec une chambre à coucher, meublée, une belle salle de
bain rénovée. OK. je le prends. Puis, on explore l'avenue du Parc à la recherche d'un restaurant;
on trouve un Pub Peel. On prends des clubs, de la bière, La serveuse échappe de la bière sur
Claudette; on en rit. Je suis pas mal fière d'avoir trouvé cet appartement. Tout va s'arranger. Je
vais travailler et après l'ouvrage, j'irai visiter Denis à l'hôpital, en métro, je suis sûre que c'est
près, du moins, il me semble avoir vu une station de métro sur la rue Sherbrooke, près
J'ai hâte de revoir Denis et puis, il est passé midi. On file. Denis va super bien. Il a moins
mal qu'hier. Mais il veut absolument qu'on enlève son tube, au moins pour le temps de la visite.
Et il veut de l'eau. Rien que de l'eau, il supplie, il se fâche. Yvette, Gérald et Marcel arrivent.
On se donne la main, Denis lui serre la main bien fort, indique qu'il ne peut pas parler. On
demande à l'infirmier si on peut lui donner de l'eau. Bon, il a droit à un peu d'eau. On lui en donne
un pouce ou deux dans un verre. Denis écrit quelques mots: il veut qu'on lui enlève le tube: il veut
parler. La frustration est reine et roi. Il doit demeurer intubé, le respirateur l'aide à respirer, Denis
fait la moitié de l'ouvrage, le respirateur l'autre moitié. Je laisse Denis quelques minutes avec
Claudette. Après tout, il a droit à au maximum deux visiteurs, officiellement un visiteur cinq
minutes a l'heure. On se sent privilégié: il ne faut pas abuser.
Lorsqu'on revient, son infirmière veut me parler. Elle me demande quoi faire avec Denis;
elle n'en peut plus, il a enlevé un fil, le fil qu'il avait dans le nez, il est trop agité. C'est son
alcoolisme qui le fait agir ainsi, me dit-elle. Après deux jours sans alcool, un alcoolique devient
agité; on lui a donné quelque chose pour le sevrer de l'alcool - ça doit être le sac avec du liquide
blanc . Je ne sais pas quoi lui répondre, le sang bouillant. ça y est, je ne sais pas quoi faire, quoi
lui suggérer, quoi faire avec un alcoolique !!! Elle veux savoir si elle devrait attacher les mains de
Denis. Non, non, c'est pas nécessaire, Denis est un gars raisonnable, normalement.
Intérieurement, je rage: Denis n’est pas un alcoolique ! Je me sens désemparée. Je retourne voir
Denis, il semble bien; je lui explique, je le supplie, il se tranquillise un peu. ça aide que la visite
soit partie. Seulement Claudette et moi, c'est plus tranquille. Il sommeille un peu. L'infirmière
rentre et sort régulièrement. Denis a mal au bassin et sa traction, son Thomas lui fait mal, il se
déplace constamment à l'aide d'un triangle. Mais il est tout croche, pas aligné avec la traction. Il a
Denis reçoit toujours 6 ml. de morphine et on me dit que pour respirer, le respirateur fait
toujours la moitié du travail, et Denis l'autre moitié.
Laurent et Christiane viennent après souper. Roger arrive peu de temps après. Denis est un
peu plus tranquille. Vers 20:00, c'est le temps de changer les draps. Elles approchent, cinq ou six
infirmières, on nous prie de quitter quelques minutes. On va attendre dans la salle d'attente. Un
jeune père y est avec ses deux enfants et sa mère, on dirait. Le père veut aller voir son épouse.
Les enfants se chamaillent. la grand-mère leur rappellent qu'il faut être sage, S'ils ne sont pas
sages, leur mère va mourir.leur dit-elle.
Je vais voir s'ils ont fini de changer les draps. oui, ça y est! Mais Denis est de plus en plus
agité et vlan! il enlève son tube! Il est fier de son coup; il peut enfin parler. on va essayer sans
tube pour un bout de temps ! Au lieu, on lui donne un masque à oxygène à porter. Fantastique,
Denis jase un peu, puis il est 21:00. Il faut quitter. Je pars pour les Cèdres avec Roger. Roger me
conte qu'il a vu l'auto de Denis au garage: celui-ci est complètement fini, le toit est quasi enlevé
mais ce qui a le plus surpris Roger, c'est de voir le devant de l'auto complètement enfoncé; devant
le pare-brise, il ne restait qu'à peine un pied et demi de ferraille. Denis a été chanceux, me répète-
t-il. Il a ramassé les effets de Denis et les a ramené aux Cèdres.
Quelle étrange sensation , se retrouver seule aux Cèdres. Je vois la maison et le fleuve des
yeux de Denis. L'eau me berce; c'est vrai que c'est beau, paisible. Je ramasse du linge , mon
ordinateur, mon vcr, tv, et je me couche. Denis va se faire opérer mardi, et après ce sera la
lundi le 14 octobre
C'est jour d'Action de Grâce. 9:00 Claudette arrive aux Cèdres de St-Luc; elle a attrapé une
contravention en s'en venant: elle volait trop bas. Pauvre Claudette ! On place les choses dans la
CRX et dans la Toyota de Claudette. Roger me conduit en ville et en un temps, trois mouvements,
nous voilà - les boîtes sont dans d'appartement. Il est presque midi déjà. Claudette et moi, on file
Denis est haletant, il nous sourit à peine; tout son temps est occupé à respirer. Peu de temps
après, on nous dit qu'on doit le réintuber, sous anesthésie locale; Claudette et moi, nous devons
De retour, Denis est immobile et semble figé: il ne semble pas dormir. On dirait qu'il n'est
pas là. Il a les yeux fermés, peut-être est-il encore sous l'effet de l'anesthésie. Je lui serre la main,
pas de réponse. Claudette et moi, on le regarde sans parler. Des infirmières et des médecins
entrent et sortent. Je ne sais pas quoi faire. J'ai peur, je lis la même chose dans les yeux de
Même le changement de draps le soir ne le fait pas bouger. Il reste inconscient. Je lui
caresse le front; Claudette lui serre la main. Je suis sûre que c'est temporaire, l'effet de la
morphine qu'ils ont dû monter encore. Au moins maintenant, il respire bien, branché au
respirateur. Mais l'infirmière me dit qu'il ne se fera pas opérer demain car il fait un peu de fièvre.
Je me retrouve seule dans mon appartement, au centre-ville. Je m'y sens bien.
mardi le 15 octobre
7:00 je me lève tôt. Je veux finir de travailler tôt pour aller voir Denis à l'hôpital. Je sors du
building, tourne à droite, oups je suis rendu à la rue Milton, mauvais côté, le centre-ville, c'est
l'autre bord. J'ai oublié de me chronométrer. À peu près 10 minutes après, je suis au bureau. Je
passe au moins deux heures au téléphone, assurance, police, téléphone. Je fais des farces,
j'explique à mes confrères de travail que Denis est inconscient, immobile sous l'effet de la
morphine mais qu'il va bien, il est chanceux, on m'a dit, juste des os de cassés, il va s'en tirer ok.
Le midi, vite des courses, un nouveau bracelet pour la montre à Denis et je dois lui trouver des
lunettes. Je travaille un peu, l'après-midi se fait longue. Denise, ma collègue, me trouve, un appel
pour moi de l'hôpital, j'accoure. C'est Josée: elle est à l'hôpital avec Denis. Tout va bien, elle est
ici pour un peu de temps. Denise a l'air alarmé, je la rassure, ce n'est que ma belle-soeur Josée,
une fille au coeur d'or mais aux manières un peu énervantes. Denise semble tout à fait d'accord.
Denis va bien. Mais, moi, je commence à m'énerver. 15:00, je pars en métro, c'est la première fois
depuis longtemps. L'hôpital est près de la station Assomption, en direction d'Honoré-Beaugrand.
Bon, pas de problème. à la sortie du métro, un autobus est là qui m'attend. Il se rend directement à
l'Hôpital. Fantastique. Josée est aux côtés de Denis, Denis fait plus de fièvre, 39C. Il a un matelas
bleu sur lui, c'est très froid 4C. Denis est immobile et semble dans un coma: il ne bouge pas d'un
centimètre. Josée conte qu'un médecin-orthopétiste, un résident, un Dr Béliveau est venu voir
Denis. Il veut l'opérer au plus tôt. Josée raconte comment sa soeur Martine a passé du temps aux
Soins Intensifs et comment elle et sa mère, Mme Routhier l'avaient veillée. Il ne faut jamais
laisser quelqu'un seul aux Soins Intensifs. AH!!! Un jeune médecin entre dans la chambre, un
grand blond, six pieds, yeux bleus, un vrai Dr Kildare. Il baisse le lit, baisse la tête, ajuste quelque
chose près du poignet de Denis, vérifie les chiffres sur le moniteur, puis, prend Denis par les
épaules et lui parle ou lui crie: M. Fleury, M. Fleury, ouvrez les yeux, ouvrez les yeux. Denis
ouvre les yeux, mais ne voit rien. Il les referme. Dr. Desjarlais, c'est son nom, il a l'air en charge
Je me demande s'il faut stimuler Denis, s'il faut le réveiller. Je lui parle fort, il roule les
yeux. Claudette arrive. Puis, Laurent arrive; Laurent s'informe, non ce n'est pas nécessaire de le
stimuler, c'était un test que le Dr Desjarlais a fait passer à Denis. Bon, okay, je lui tiens la main -
Denis ne répond pas, il ne bouge pas, ne fait aucun mouvement; ça doit être à cause de la
morphine qu'il reçoit. C'est déjà l'heure de changer les draps. j'ai horreur de cette manie de
changer les draps tous les soirs. ils se prennent à six, à l'aide d'un appareil quelconque pour
soulever Denis et toujours, Denis est affecté ensuite. Cette fois-ci, pas de panique, Denis est
calme après, Denis fait encore de la fièvre. 21:00: on doit le laisser. Josée vient coucher chez moi,
on trouve un stationnement tout près, on jase un peu et oops, on dort.
mercredi le 16 octobre
Levée tôt, déjeuner avec Josée au restaurant du coin avenue du Parc, boulot, ça va bien.
Vers 14:00, Josée m'appelle au bureau, Denis va mal, elle déteste me dire ceci au téléphone mais
sa fièvre a monté et ses reins marchent mal. Mon sang se contracte, ma gorge s'assèche, je pars en
taxi. AH que c'est long. J'ai peur, une peur noire, J'essaie de me raisonner, peine perdue. Je veux
arriver au plus sacrant. Je courre les deux étages, Denis est étendu, on dirait encore plus frigide
sous une couverture de plastique bleue, pour sa fièvre. Il est archi-brûlant, 39.9 C . Je lui prends
la main. Josée ne semble pas avoir peur, ça me rassure. Je serre la main de Denis, ses yeux sont
entr'ouverts et sont jaunes sur les bords. je ne le quitte pas des yeux. Josée doit partir cet après-
midi. Elle promet de revenir bientôt. Elle me répète qu'on ne laisse jamais quelqu'un aux Soins
Claudette arrive, En aparté, je lui conte . Elle est inquiète, très inquiète. On va surveiller
Denis. Sa fièvre finalement baisse un peu, vers 20:00, on lui enlève la couverture bleue, elle était
froide cette couverture, 4 Celsius. Pas de changements, Denis est immobile. Ses reins marchent
mal, on nous dit, c'est causé soit par des enzymes ou des . On essaie du lastic; il y a
augmentation de l'urine à 100 ml de l'heure. Le médecin est très satisfait. Mais d'heure en heure,
ça diminue à 40 ml de l'heure. Le médecin nous parle d'une infection, il ne sait pas où. Claudette
et moi, on commence à surveiller le montant d'urine dans le sac; ce sac est vidé aux heures. On lui
donne du Lastic pour essayer de stimuler ses reins. tiens, on ne lui donne plus de liquide blanc, ça
devait être çà le sevrage pour l'alcool et maintenant, il n'en a plus de besoin.
Pendant le changement de draps, Claudette et moi, on va à la salle d'attente. Les deux
enfants y sont; le père revient, le visage gris - sa femme est morte - je crois qu'elle était enceinte.
On s'éloigne. On retourne aux Soins; on voit les infirmières et préposés s'affairer à gauche près de
la femme morte - la tristesse dans l'air est palpable; les infirmières sourient sur le bout des lèvres
et marchent lentement. J'embrasse Denis bien fort.
jeudi le 17 octobre
Je ne travaille pas. Vers 9:00, je me pointe à l'hôpital. On est en train de faire sa toilette. je
le vois plus tard un peu, puis c'est le temps de changer ses draps Deux fois par jour !!! Il n'y a pas
de changements. Denis est immobile, ses yeux semblent un peu plus gros, plus jaunes, plus verts,
ils sont enflés tout autour d'au moins d'un demi pouce, jaune, verdâtre, tous les patients du Dr
Dion sont comme ça, on me dit. Le Dr Dion, c'est la spécialiste qui l'a opéré pour son intestin
Tiens, j'entends les pas du Dr. Desjarlais, il est encore ici - d'entendre ses pas décidés me
réconfortent. Mais je suis surprise de le voir encore ici. En écoutant les infirmières, j'apprends que
Dr Desjarlais est un médecin résident, moi qui le croyais en charge ici ! Et qu'il a passé les
derniers 25 heures aux Soins !! Denis fait encore de la fièvre mais un peu moins, il a un
ventilateur dans sa chambre, ses reins fonctionnent de moins en moins bien, J'ai peur, je serre sa
main très, très fort, pas de réponse. On lui donne un antibiotique mais sans effet.
Claudette arrive. On surveille ensemble son urine. Tiens, ça m'améliore, On est toutes
encouragées. Vers 21:00, Louise apparaît, bandoulière au dos. Elle voyage léger, ma soeur. Elle
doit être super inquiète, d'avoir pris congé demain pour venir voir Denis. Ma gorge se serre, on
fait des farces. Denis a l'air un peu mieux, on se dit. Laurent arrive avec Christiane; on reste près
de Denis, deux à la fois, silencieux à le surveiller.
vendredi le 18 octobre
Quelques emplettes, Louise et moi on va chercher les lunettes de Denis, elles sont prêtes,
on mange un croissant et on prend le métro. Je montre à Louise les rudiments du métro, au cas où.
On jase de mille et une choses. Denis est pareil, encore de la fièvre mais pas énormément. Il ne
bouge pas du tout, ne réagit pas, ne dort pas, il est inconscient. Encore ses reins , là ils
fonctionnement de plus en plus mal, environ à 20 ml à l'heure. Denis a enflé de partout, je n'ose
pas lui essayer les lunettes; elles ne lui feraient pas, ses tempes sont élargies, il a l'air d'un
monstre. Tiens, on entends les pas du docteur, c'est rassurant. Il veut me parler. On va dans la
petite salle d'attente. Louise me suit mais n'entre pas, Dr Desjarlais m'explique que Denis est très
malade, il a une infection, ils ne savent pas où. Ils ont pris des tests, un échantillon. ils vont avoir
les résultats lundi ou mardi. Mais d'ici là, il va regarder le spécimen au microscope. Il ne sait pas
d'où provient l'infection. Puis, ses reins ne fonctionnent pas, même si il y de l'urine, ça veut rien
dire, ce n'est pas suffisant, il faut 100 C.C. au moins à l'heure. Denis retient ses déchets et son
niveau de créatinine est très élevé. Il fait de la fièvre et il peut mourir.
Je le regarde, figée. Puis, quelqu'un d'autre rentre dans la salle d'attente, il s'excuse, me dit
de le suivre, Louise s'approche, me touche le bras et ensemble, on suit le Dr dans la salle des
infirmières. Il ferme la porte; je suis encore figée, sous l'effet de son dernier mot . mourir. Dr.
Desjarlais me dit que Denis est fort et jeune et qu'à cause de cela, il a de chances de survivre mais
il peut tout aussi bien mourir, même qu'il est fort possible qu'il meure. Il faut trouver la cause de
l'infection, dit-il en hochant de la tête. Il me demande si je veux savoir quelles sont ses chances de
survie: Non, je ne veux pas savoir de pourcentage. Je veux savoir quels sont les traitements, je
demande des détails; Dr Desjarlais m'explique.
On accoure voir Denis, pas de changements. Denis, tu ne vas pas mourir. D'un ton décidé,
solide, sans larmes, sans pleurs, je lui dit: Denis, tu es fort et tu va guérir. Denis, tu es fort et tu
vas guérir, lui dis-je en lui tenant la main très fort. Je lui répète ces deux phrases et je les lui
répète. Il semble enfler à vue d'oeil. Ses problèmes de reins, nous a assuré Dr Desjarlais, ce n'est
rien, on va lui donner des traitements de dialyse. S'il guérit, ses reins vont probablement guérir
aussi. Mais ça, ce n'est pas une question de vie et de mort ,. Bien du monde vivent avec des
traitements de dialyse 2 ou 3 fois par semaine, à la maison. Bon, on s'inquiétait de la mauvaise
chose. Une infection. C'est pour ça sa fièvre depuis dimanche.
Bon, il faut faire quelque chose, appeler Maman, on va vraiment lui donner quelque chose à
l'inquiéter, pauvre Maman. Maman semble extra forte, ça me fait du bien de lui parler, elle va
prier pour Denis. J'appelle Denise au bureau; elle est très compatissante et ca me réchauffe le
coeur. J'appelle Gina, elle ne sait que dire, je me sens seule. Je retourne vite voir Louise et Denis.
Claudette est arrivée. On entoure Denis. Claudette fait des toc-toc sur Denis. Pour le guérir
d'une infection, on frappe trois fois en bas de son coeur. Je serre la main de Denis très fort. pas de
réponse, il est toujours dans un coma, toujours inconscient. Denis, tu es fort, tu vas guérir, tu as
de bons soins ici, tu es fort, tu vas guérir.
Peu de temps après, Dr. Desjarlais nous appelle, il semble très content. On saura les
résultats de la culture juste lundi ou mardi mais ils ont trouvé . c'est une infection fungus de
champignons aux poumons. Ils vont lui donner un antibiotique spécifique pour contrôler
l'infection aux poumons. Avant, ils avaient essayé un antibiotique général. De plus, les
antibiotiques, surtout général, ça peut faire du tord aux reins. Un antibiotique spécifique, ça
risque de le guérir et ça fait moins de tord aux reins. Il a bon espoir. Mais il est sûr qu'il y a une
autre infection, ils vont continuer à chercher. Dans la soirée, la fièvre descend, part
complètement. C'est une victoire, Dr Desjarlais est souriant.
samedi le 19 octobre
Denis est immense, la tête enflée au moins deux pouces tout le tour. Ca presse que Denis
aille en dialyse , il a gagné beaucoup trop de volume. Il est supposé aller en dialyse ce matin.
Aujourd'hui, Jean-Luc, son frère est supposé venir. Les yeux de Denis sont quasi gluants, jaune,
et ressemblent à deux bulles transparentes jaunes.
Denis va en dialyse. Pour la dialyse, on amène son lit à l'autre bout des Soins intensifs.
Denis est toujours immobile mais il fronce les sourcils. Quand on le bouge, il bouge un peu. je lui
prends la main, lui répète ma rengaine tout le temps. Denis, tu es fort, tu vas guérir, on prends
bien soin de toi ici, tu es fort, tu vas guérir.
Il faut quitter la salle pendant les préparatifs que deux infirmières font, j'en profite pour
appeler Jean-Luc, ça ne vaut pas la peine de venir aujourd'hui, Denis est en dialyse. Jean-Luc ne
pouvait pas venir, ses petites sont malades, il viendra la semaine prochaine. Louise et moi, on
retourne à la salle de dialyse, on surveille sa pression, son pouls cardiaque, on commence à
connaître peu à peu les machines. Sa pression monte, son pouls aussi. Son taux d'oxygénation est
à 94 %, d'habitude, c'est à 100%. ça m'inquiète. On peut savoir son taux d'oxygénation dans le
sang car il est branché via son orteil à un moniteur. Au bout de l'orteil, une lumière rouge brille
Denis n'a pas de réactions , tiens, il fronce des sourcils. Il réagit un peu. ça dure à peu près
deux heures. On voit le Dr. Ferraro peu de temps après; Denis a perdu du volume et ses valeurs
sont bonnes. On fait des farces, Claudette, Louise et moi, C'est un gars valeureux . Dr Ferraro est
satisfait, il dit que Denis devrait recevoir d'autres traitements de dialyse. Je m'inquiète de la
disponibilité de la machine. Il me rassure que Denis aura la machine, en priorité. Tant mieux.
Après, on le déménage pour qu'il soit plus près de la machine de dialyse au C-5. ça fait
étrange, on perd notre coin tout près de la porte d'entrée, on allait s'asseoir souvent dans
l'embrasure de la fenêtre, dans le passage. On avait une place pour nos manteaux, nos sacoches.
Maintenant, on est au milieu de la place, avec des voisins des deux côtés, la pièce est plus grande,
un espace d'environ 14 pieds de large, séparé pour des murs vitrés, avec des stores. En avant, c'est
sans mur, on se trouve devant les armoires, l'eau se trouve là, le réfrigérateur, on est tout près de
l'autre poste. Bon, il va peut-être changer de médecin, Denis va probablement avoir les médecins
de l'autre poste. Ah non, ça, ça m'inquiète énormément. Laurent se renseigne. Non, Denis est du
cote chirurgie C pour chirurgie, les autres, son voisin de droite est dans le secteur Médecine,
Denis aura toujours les médecins de chirurgie.
dimanche le 20 octobre
Louise et moi, on arrive à l'hôpital très tôt. Mais pas de changements. Denis est toujours
immobile, inconscient. Laurent et Christiane viennent. Claudette arrive. Sylvie et Mike
également. On va ensemble au casse-croûte. Mike essaie de me faire rire: il me dit "You look like
shit". Leur présence me réchauffe le coeur. Sylvie m'a apporté de quoi manger: elle est si
réconfortante avec ses yeux et sa voix si douce, ses paroles si pratiques et si pleines de bon sens.
Je suis chanceuse, choyée, d'être entourée ainsi. Mais il faut que je vois Denis - je remonte. Denis
est toujours là; en ouvrant les portes, on vérifie toujours pour voir sa jambe qui dépasse et le voir
lundi le 21 octobre
C'est ma première journée seule. Louise est partie hier soir, son chum Gilles est venu la
Aujourd'hui, on est supposé avoir les résultats du lab pour les tests faits vendredi passé.
Denis semble plus immobile que jamais. Il ne fronce même pas les sourcils maintenant. Les deux
infirmières me disent que j'ai l'air fatiguée. je ne suis pas fatiguée.
Denis est encore très, très enflé et gonflé: d'autre dialyse s'impose. Son pouls monte, sa
pression, j'ai peur, c'est difficile pour le coeur de la dialyse, on m'a dit et je le crois. Denis a plus
de difficulté cette fois-ci durant la dialyse, son pouls monte beaucoup. tiens, un des jeunes
médecins, Dr Ferraro s'approche, à peine un bonjour, il m'annonce qu'il a les résultats des tests,
en effet, Denis a une infection au poumon, comme diagnostiqué vendredi. les deux prochains
jours seront déterminants, me dit-il, d'un air hagard, il n'ose même pas me regarder dans les yeux.
Ah non, C'est pas possible. Denis, tu es fort et tu vas guérir, tu vas guérir. Tu vois, tu as de
bons soins, je t'aime, beaucoup de monde t'aime, tu vas guérir. Claudette et Laurent viennent
après le travail. je suis nerveuse, Laurent veut que je pleure. Je leur explique, en sanglotant que
les deux prochains jours seront déterminants. Laurent veut tuer le résident qui m'a dit ça si
brutalement. Claudette me demande d'accepter; elle me dit qu'il faut accepter que Denis va mourir
Je les laisse, je ne veut rien savoir d'eux. Ils reviennent, ils me suggèrent de venir coucher
chez moi, à tour de rôle. Émue de tant de compassion, j'accepte. Ce soir, c'est Laurent. C'est
étrange. Il essaie encore de me faire pleurer. il veut que je regarde la réalité en face, je fais
semblant, je verse quelques larmes, il est satisfait. je dors. Je me réveille à quelques reprises,
Laurent m'entends de l'autre pièce et m'ordonne 'DORS' Okay, je dors. Le matin, il pars tôt pour
Vite, à l'Hôpital. le Dr Desjardins n'est plus là, ces jours-ci. On voit de plus en plus, depuis,
lundi, j'imagine, une belle grande femme, châtaine, aux yeux magnifiques, entourée de ses
résidents. On dirait une reine, entourée de ses sujets. C'est le Dr. Dion.
mardi le 22 octobre
Denis penche maintenant la tête vers son côté gauche. Dans l'autre chambre, je me tenais
toujours de son côté droit et Denis avait la tête légèrement penché vers la droite. Et dans cette
nouvelle chambre, les fils sont tous de son côté droit; donc, nous nous tenons de son côté gauche.
Et regarde, définitivement, sa tête est penchée un peu vers moi. Je suis serre la main gauche très
fort, pas de réponse. Mais je suis sûre qu'il m'entend même s'il n'a pas l'énergie de répondre.
Aujourd’hui, on débute l'hémo-filtration, un rein artificiel qu'on attache sur sa cuisse; il
reçoit ainsi une dialyse continue. Pour l'installer, je dois quitter la chambre. Cette méthode de
dialyse est beaucoup plus douce pour les patients, me dit son infirmière; elle a été inventée il n'y a
que cinq ans. Son volume descend beaucoup avec l'hémo-filtration.
Laurent a demandé la veille à voir Dr Dion; c'est elle la responsable des Soins intensifs et la
responsable du cas de Denis. On a un rendez-vous à 9:00; elle nous dit que sa vésicule biliaire n'a
pas l'air de fonctionner, elle va lui faire faire une échographie et un drainage . ça ne semble pas
alarmant, pour sa vésicule biliaire, un détail. Par contre, sa fièvre est complètement descendue, et
on descend son respirateur à demi. L'hémo-filtration semble beaucoup aidé, Denis a perdu
beaucoup de volume. Mais, nous répète-t-elle, Denis est très malade et il peut mourir. Elle dit
qu'il a une autre infection, elle ne sait pas laquelle.
Claudette vient coucher chez moi, ce soir. Ca fait du bien de ne pas être seule; la présence
de Claudette me donne l'impression d'être enfouie dans une immense couverture électrique, très
chaude, un peu bavarde la couverture mais si pleine de réconforts.
mercredi le 23 octobre
L'infection semble contrôlée, l'échographie a démontré que sa vésicule biliaire était okay,
pas nécessaire de la drainer. On coupe la morphine à 10 ml à l'heure, le respirateur est à 8, son
taux d'oxygénation baisse, sa pression semble erratique, monte, baisse, on dirait qu'on ne peut pas
se fier au moniteur. Mais, ses globules blancs montent. Ses hémoglobines baissent également, on
Claudette vient tous les soirs, après l'ouvrage, voir Denis, même les soirs qu'elle ne couche
pas avec moi; chaque fois que je la vois arriver, il me semble que je respire mieux et que je relève
les épaules. Elle arrive vers 5:30 et part en même temps que moi, vers 9:15, 9:30. J'en profite pour
aller souper à la cafétéria quand elle arrive. Puis, c'est son tour d'aller souper. On ne quitte pas
Denis, une seconde, seulement quand ils changent les draps.
Laurent, lui aussi, vient régulièrement. Aux deux jours, il vient coucher à mon appartement,
pour me surveiller, je crois. Et souvent, l'autre jour, il vient voir Denis, avec Christiane; je les
Claudette trouve ça difficile travailler en même temps. Ce sont les commentaires de tous et
de chacun qui lui font mal. Tous semblent convaincus qu'on devrait enlever le respirateur à Denis,
les commentaires abondent et je suis sûre qu'elle ne me les conte pas tous.
Laurent a débuté une nouvelle job au début d'octobre. Christiane me dit qu'il a de la
difficulté à dormir des fois. Comment fait-il, pour travailler à 150% d'efficacité comme il semble
le faire et s'inquiéter en même temps de Denis. Je l'admire. Christiane est un ange de
compréhension. qu'elle accepte que Laurent vienne, deux fois par semaine coucher en ville, c'est
hors du commun. Et elle aussi, s'inquiète beaucoup de Denis. De plus, ce sont eux, Laurent et
Christiane qui s'occupe d'informer la famille Fleury et de recevoir les appels d'eux. Car j'ai bien
fait savoir à Laurent que je voulais pas d'appels. Je sais, je suis égoïste mais quand le téléphone
sonne, je suis sûre que c'est l'hôpital et je panique.
jeudi le 24 octobre
Son urine s'est arrêté complètement, sauf qu'il y a du sang. Par contre, il a moins
d'infection au poumon. La morphine est toujours à 10 ml à l'heure, le respirateur est descendu à 6,
ses poumons doivent aller vraiment mieux. L'hémo-filtration fonctionne bien, le volume de son
corps est peu près normal. Mais ses globules blancs montent, 27,000 !!
À la cafétéria, le jeune préposé me sourit; je lui dit Bonjour. Il est toujours si souriant, ce
jeune homme et beau en plus. Claudette le trouve cute à mort.
vendredi le 25 octobre
Le respirateur est descendu à 4, c'est très bien. Mais ses globules blancs sont à 40,000. C'est
À l'appartement, au métro, je vois des images sombres. La même image revient - des
funérailles aux Cèdres. L'église est bombée de monde. J'ai déjà vu cette image dans mes rêves. Je
la chasse. Je me répète que Denis va guérir.
samedi le 26 octobre
Ce matin, j'accoure, il est brûlant, Dis-moi, Louise, fait-il de la fièvre, un peu me dit-elle.
cinq minutes plus tard, c'est confirmé, 38.3 C On lui donne du Tylenol. Ses hémoglobines sont
sous 80, on lui donne une transfusion de sang. Ses globules blancs sont encore à 40,000.
Bon, de la visite, Jean-Luc et sa femme Martine sont ici, Jean-Luc est angoissé, j'essaie de
le rassurer. Il veut savoir si Denis va être en chaise roulante. NON, non, ses os, c'est rien, les
médecins peuvent tout faire avec des os, c'est pas un problème. Ses reins, c'est pas un problème,
c'est pas grave si Denis est en dialyse le restant de ses jours, ce n'est pas un problème vital. je suis
sûr que c'est quelque chose avec lequel il pourra vivre, VIVRE, c'est ça l'important. Oui, Denis a
encore une infection, ils ne savent pas où, mais Denis a un très bon médecin, Dr Dion.
Mon frère André, sa femme Murielle, ma nièce Michelle arrivent. On est tous en bas, dans
le petit café. Martine me regarde les yeux égarés et me parle des yeux affreux et effarants de
Denis. Tu aurais du le voir la semaine passée, ses yeux sont presque beaux maintenant. Je me
sens presque insultée, de quel droit peut-elle dire que ses yeux ne sont pas beaux! Je la regarde
droit dans les yeux et je lui dit: je ne veux pas de sentiments négatifs autour de Denis, si tu as
peur, je ne veux pas que tu vois Denis, je ne veux pas que tu vois Denis. Elle semble avoir
compris. Bon, il faut que je remonte, ça fait près d'une heure que je n'ai pas vu Denis, il faut que
Bon, il est correct. je lui serre la main et lui répète: tu es fort, tu vas guérir, tu vois,
beaucoup de monde t'aime, on t'aime tous, je t'aime plus que tout, tu es fort, tu vas guérir, tu as de
bons soins ici, de très bons soins. André et Michelle sont là, près de moi, silencieux. Michelle est
très brave et très calme. je suis fière d'elle.
Jean-Luc approche, je lui ai dit de ne pas avoir peur, de parler à Denis, je suis sûr que Denis
entend, somehow. Martine n'est pas là. Sa température est contrôlée vers 15:00 et il reçoit un
Je sors des Soins avec André. On retrouve Murielle sur les bancs en face du bureau de
radiologie. André me conte que lui et son groupe, ils ont prié pour Denis. Je le remercie, je suis
touchée. Il me donne une médaille que Maman lui a donnée, une médaille miraculeuse. André
semble un peu mal à l'aise, timidement, il me demande si j'ai pensé a l'extrême-onction. Non, lui
dis-je. Ce n'est plus un sacrement des mourants mais des malades, tente-t-il de me rassurer. Non,
non, lui dis-je, Denis n'aurait pas voulu et moi non plus. Il n'insiste pas.
Claudette et Louise approchent, bon, je veux voir Denis tout de suite. Avec Louise, j'y vais.
Jean-Luc, je le rencontre à la porte des Soins, il était sur son départ Jean-Luc veut revenir
demain, Martine dit qu'elle ne peut pas emmener les petites ici, trop de risques d'infection. Jean-
Luc a un air infiniment triste, je le serre dans mes bras. Pauvre Jean-Luc. Tu va voir, Denis va
À la cafétéria, la préposé me dit que je ne mange pas suffisamment et elle me remplis mon
assiette. Denis, mon amour, tu vas guérir, tu vas guérir, tu es fort et tu va voir, Denis va guérir.
Denis, mon amour, tu vas guérir, tu vas guérir, tu es fort et tu vas guérir. Je lui serre la main,
Louise, as-tu vu, Denis fronce des sourcils, il bouge la bouche. sa température est normale, sa
fièvre est descendue, sa pression semble bonne. Aie. je pense qu'il m'a encore serré la main, je
dimanche le 27 octobre
Louise et moi, on court au 2e étage, il est brûlant. Ah non, Louise me confirme , il fait
beaucoup de fièvre. 38.6 C, on le sait quelques minutes après. On lui donne du Tylénol.
Dr. Dion est là ce matin, tant mieux. On va lui donner un nouvel antibiotique, me dit-elle,
en désespoir de cause, elle essaie un nouvel antibiotique , a shot in the dark'
A la fin de la journée, la fièvre descend, Tiens, C'est vrai, Louise , il exerce une pression
sur ma main, Louise et Claudette le sentent aussi, Il bouge beaucoup de la bouche, il a une plaie
au palais qui semble le déranger. On va faire une culture pour son infection, une culture de quoi,
C'est le temps de changer les draps. Louise et moi, on se réfugie dans la salle d'attente.
Deux jeunes femmes sont toujours là, tous les jours. Leur mère est malade, très malade. Elles sont
archi-inquiètes. Le médecin leur a dit que leur mère va probablement mourir bientôt. À toutes les
heures, on les voit passer aller voir leur mère et cinq minutes plus tard, elles repassent vers la
salle d'attente. Les deux jeunes femmes se sont liés d'amitié avec deux hommes. eux, c'est leur
père. Il est tombé dans sa baignoire. On en apprend des choses en écoutant les conversations. Les
deux hommes, un a l'air excentrique, c'est un artiste, il peint, il a de longues moustaches, au moins
quatre pouces de chaque côté, grand, maigre, habillé de cuir noir, chapeau noir. À chaque jour,
j'apprends comment vont les autres. la mère des deux filles va de mieux en mieux. les filles
sourient enfin. Le père prend un peu de mieux.
Denis est toujours immobile et insconscient; ce soir, je n'ose pas demander à quoi sont
rendus ses globules blanches. J'ai peur. En sortant, un des préposés me donne une médaille, une
médaille miraculeuse - je vais l'accrocher au chevet de son lit, avec la médaille de ma mère.
lundi le 28 octobre
Ce soir, à 17:00, on a un rendez-vous, Laurent et moi avec Dr Dion. Sa pression et son
coeur sont beaux, son cathéter saigne un peu, on prend une échographie. Durant la journée, on
Dr Dion n'est pas rassurante, ses globules blancs ont baissé à 35,000. Mais ça veut rien dire,
40,000 ou 35,000 , C'est du pareil au même, ça peut être dû à une erreur de calcul, du laboratoire.
Une chance qu'il est fort, sa pression, son coeur sont bons, on a prise une autre échographie
aujourd'hui, sans résultats. L'antibiotique de dimanche, c'est en désespoir de cause qu'elle lui a
donnée cet antibiotique, il faut attendre pour voir. Mais c'est loin d'être gagné. On se sait pas ce
qui cause l'infection. Denis est très malade. Parmi tous ses patients, Denis est le plus malade, le
plus en état critique. S'il n'était pas jeune, il serait mort depuis belle lurette. Il est fort, mais il peut
mourir. il faut attendre. Elle ne semble pas avoir d'espoir, en tout cas, elle ne veux pas donner
La concierge qui balaie me dit qu'elle va prier pour Denis; cette dame de presque soixante
ans passe le balai et époussette tous les soirs, accompagné par un vieux monsieur, son mari peut-
être. Chaque soir, lorsque je les voit tous les deux, à voir leur dévouement, leurs regards
Laurent couche chez moi ce soir, on s'attable et ensemble, on dresse une liste, on écrit et on
décrit l'état de Denis, jour après jour du 10 octobre à aujourd'hui. On cherche un indice, quelque
chose, il faut trouver. Peut-être les médecins n'ont pas tout examiné. on est anxieux mais
Dans mon lit, les mêmes images noires me reviennent - je distingue personne - tout Expro
mardi le 29 octobre
Ce matin, ça va mieux. Denis semble tout près de s’éveiller. Depuis belle lurette, Denis est
inconscient et ne répondait pas tout, ni à des pressions de main, ni à des paroles. Mais ce matin
Denis est très actif; il est encore inconscient, a encore les yeux vides mais il montre des signes
encourageants. Il bouge sa tête. Je crois mais je ne suis pas sûre qu’il m’a serrée la main un peu.
Je suis aux anges. Il est en train de guérir, j'en suis sûre, il serre les mains, clignote des yeux,
ferme les yeux. Sa pression et son pouls sont très beaux. son coeur un peu plus haut à 82.
Sylvie et Mike et leurs enfants sont venus cet après-midi. Louise et moi, nous étions en bas.
En rejoignant le deuxième étage, ils nous rattrapent; Mike est en beau joual vert. Il a vu Denis,
immobile et il voulait voir un médecin. Sylvie a dû le retenir. Il s'emportait. Il me demande, les
yeux égarés, c'est pas vrai, Y va pas mourir," Je n'en sais rien". Ils ne restent pas longtemps, ils
partent . Je les regardent partir, Sylvie boîte un peu aujourd'hui et elle a l'air complètement
Denis est de plus en plus éveillé; il fait signe de la tête, serre les mains, les desserre,
clignote des yeux, ferme les yeux. Son tube semble l'incommoder, il pointe même du doigt vers la
gorge, à moins qu'il ait mal à la gorge. Tiens, il met sa main gauche sur sa poitrine gauche. Il est
de plus en plus actif, il se déplace le torse un peu.
Son cathéter saigne depuis hier, le pansement suinte beaucoup. On a descendu le respirateur
de 8 à 7. On prend un autre radio pour ses poumons et pour son fémur et son bassin. Sa plaie au
palais semble guérie. Durant la journée, on enlève les points de suture sur sa jambe gauche. Il n'a
plus de sang dans l'urine. Et j'en étais sûre, ses globules blancs sont descendus à 32,000.
Vers 20:00, encore le temps de changer les draps, mais ça va bien, il est juste un peut
Catastrophe, le père des deux gars est mort. Les deux gars arrivent, en toute vitesse. ils
n'étaient pas là, ils veulent voir le corps de leur père mort. On retient le corps aux Soins.
mercredi le 30 octobre
Denis, ce matin, essaie de parler c.-à-d. que ses lèvres bougent, il est plus conscient ou
moins inconscient. Je lui répète qu'il va guérir, qu'il a de bons soins et qu'il est fort. Tous ses
signes vitaux sont bons, son coeur est à 83, sa pression est bonne, il ne fait pas de température,
son taux d'oxygène est à 100%. Mais son pansement suinte toujours beaucoup, ils ont mis une
boule dessus et ils lui donnent moins d'héparine; ça éclaircit trop son sang. peut-être, ils vont
enlever le rein artificiel temporairement pour essayer d'épaissir son sang.
Sa morphine a été montée durant la nuit à 12 ml de l'heure parce qu'il était trop agité. Le
levine a beaucoup diminué. On descend son insuline à 6. Il n'y a pas d'urine dans son sang. Ses
globules blanches sont à 29,000. Hourra!!!! Ca ne m'empêche pas d'être enragée, pourquoi ils ont
monté sa morphine à 12, il va redevenir inconscient. juste parce qu'il était agité!
On a un rendez-vous avec Dr Dion, à 17:00 avec Laurent. Je suis trop fâchée, je n'y vais
pas, Dr Dion me dit , alors, c'est seulement les boys'. je passe ma liste de questions à Laurent.
Rien de catastrophique avec Dr Dion, elle a presque l'air encouragée, dit Laurent. mais elle
n'ose pas espérer. C'est dangereux encore. 29,000 c'est beaucoup trop mais ça baisse, c'est bon
signe. Denis reçoit maintenant deux sortes d'antibiotiques, de l'amphotéricine (ampho-B) pour
l'infection de levure dans son sang et poumons et depuis dimanche, du mipenem pour une
infection à bactérie, infection non localisé. Et les globules blanches descendent. Tous ses signes
sont bons, son PTPTT est maintenant normal, il ne saigne plus depuis qu'on a enlevé l'héparine et
son rein artificiel. Il reste un hématome, un caillou de sang dans le ventre depuis l'opération. Sa
vésicule biliaire est plus grosse que normale mais ceci est normal puisqu'il ne mange pas.
Tiens, on ferme les rideaux. pourquoi tous les rideaux sont-ils fermés ? Un enfant vient
rendre visite à un malade, c'est pour çà, on ne veut pas traumatiser l'enfant. Bonne idée.
jeudi le 31 octobre
Ce matin, pas de fièvre. Fantastique. autour de 36.9. Denis est plus éveillé, je crois qu'il me
sourit, son premier sourire. Ca va vraiment mieux. J'examine les machines et les fils, tout semble
en ordre, l'insuline est à 4; tiens, on la monte à 8, apparemment à cause du tavaline (stuff jaune de
nourriture). La morphine est descendu à 8. Dr. Dion est passé et me l'avait annoncé, il y a deux
minutes, elle a l'air fière. Elle m'explique qu'on montera le respirateur à 10 pour aider l' hémo-
Vers 17:00, on lui remets l'hémo-filtration. tout est beau, son coeur est entre 77 et 83,
oscille à 110, son taux d'oxygène à 100 ou 99%, son PTPTT est normal, il ne saigne plus. Ils
conservent les mêmes cathéters pour le rein artificiel.
Dr. Desjardins, le médecin orthopédiste est passé. Il peut avoir des séquelles, me dit-il
puisqu'on ne peut pas l'opérer tout de suite. Plusieurs sortes de séquelles, et puis, je m'en fous, ce
n'est que des os, ils vont le réparer d'une façon ou d'une autre, et puis, il va boiter, peut-être être
en chaise roulant, c'est pas important. Et dire, que ça me faisait peur d'avoir un mari invalide il y
a à peine quelques semaines. C'est comme ça que les gens apprennent à accepter leur état, je
suppose, on leur fait peur, ils acceptent de vivre handicapé au lieu de mourir.
Un jeune homme, un technicien orthopédiste est passé, Le pied gauche de Denis renverse
tout seul, il a besoin d'une orthèse, Demain, il en recevra une. Demain, il est supposé commencer
à faire de la physiothérapie également. Toutes ces attentions me prouvent que le Dr. Dion
commence à avoir espoir, à avoir espoir que Denis va s'en sortir. Je suis si heureuse.
Ce soir, son PTPTT est trop haut, en effet, on a recommencé l'hémo-filtration. Son
hémoglobines sont trop basses à 93, normales environ à 120. On lui donne un autre culot de sang.
Ce soir, c'est Claudette, son infirmière. Je l'aime bien, Claudette. Je vais souper avec
Claudette, ma soeur. Ma soeur Yvette est là, avec Denis. Yvette nous conte un peu plus tard ce
qui est arrivé, Claudette, l'infirmière, faisait les calculs pour l'hémo-filtration. Claudette s'exclame
soudain "Ca fait trois fois que je recommence les calculs, ca arrive jamais à la même chose"
Yvette lui répond "Prends une calculatrice et tu ferais moins d'erreurs".
vendredi le 1er novembre
Denis est plus éveillé ce matin. Il est calme, fronce des sourcils, parle avec ses lèvres, fait
des gestes mais on dirait qu'il est sourd, il a beaucoup de difficulté à entendre. Ils ont changé le
rein durant la nuit; ça ne dure pas longtemps un rein, Denis tu est tough sur leurs reins. D'un coup
d'oeil, je fais le tour, le taux d'oxygène à 100%. Bon, c'est un bon omen, çà. Je suis trop
superstitieuse, son coeur à 83, Sa pression 120 sur 70, la morphine toujours à 8, l'insuline
descendu à 7, c'est bien. Tiens, ils ont monté le respirateur à 14, probablement à cause de l'hémo-
filtration., son PTPTT est un peu haut, presque normal.
Monique, son infirmière, est assise à son chevet, comme d'habitude. Denis est immobile, je
lui parle tout doucement. Puis, je lui prends la main. Je m'éloigne un peu de Denis. Monique me
dit, tu sais, Nicole, Denis est chanceux, c'est bien ce que tu fais pour lui. Moi qui croyait qu'on me
prenait un peu pour une folle de parler à un malade intubé qui ne donne pas signe de vie, ou si
peu. C'est encourageant. Durant le jour, il reçoit deux culots de sang, fait, pour la première fois,
Ce soir, on attend un blessé de Trois-Rivières. Dr. Dion reste tard. Il s'en vient dans la
chambre I-1, l'ancienne chambre de Denis. Vers 19:30, il est arrivé, il semble mal en point, je
voie une masse sur le lit, un matelas bleu par-dessus. Sa mère est là, tiens, l'aumônier est là aussi.,
ils se parlent tout bas. L'aumônier l'emmène dans une pièce à part, dans le bureau du chef-
infirmier. Vrrr, On s'affaire autour lui, radios, spécialistes, etc.
Avant de partir, Laurent demande à l'infirmière : ses globules blancs sont à 22,000. Mais, je
samedi le 2 novembre
Ca faisait trois fois que j'annulais des rendez-vous avec Sylvie, ma coiffeuse. Ce samedi, je
me décide d'y aller. Il est grand temps ! La chaise de Sylvie me fait toujours cet effet - j'ai presque
l'impression d'aller au confessionnal ou dans un bureau de shrink. Sylvie me demande doucement
ce qu'il y a. La larme à l'oeil (elle me rend toujours si émotionnelle), je lui conte l'accident,
l’hôpîtal, l'espoir, ca va mieux et ca ira mieux. Je suis confiante. Lui parler, c'est comme un
baume sur mon âme. Sylvie a des dons d'écoute.
Quand j'arrive à l’hôpital, vers 11:00, Martine me taquine . le grand luxe . J'essaie le
Walkman avec Denis. Il fait des signes de têtes - il n'entend pas. Au début, je crois qu'il est sourd
mais je m'aperçois qu'il n'y a pas de musique. Denis va bien. ses signes vitaux sont un peu plus
hauts, coeur à 86-90, pression 130 sur 80, mais oxygène toujours à 100%, morphine à 8, insuline
descendu à 2, respirateur descendu à 12.
Ce matin, le blessé de Trois-Rivières n'est plus là. Je me demande si c'est plus facile de
mourir sur le coup à l'accident, deux jours après ou deux mois après. Mourir, c'est toujours
difficile, peu importe l'âge et les circonstances.
Josée, Louise et Claudette sont ici avec moi, toute la journée. Denis est un peu éveillé, il
serre la main, il sourit un peu. Jean-Guy est resté aux Cèdres, il est en train de réarranger
l'électricité dans le sous-sol. J'aimerais bien finir le sous-sol pour Noël, peut-être acheter une
table de pool pour Denis. Durant l'après-midi, j'explique à Denis que j'ai pris un appartement
meublé en ville pour être plus près de lui.
Juste avant de partir vers 21:00, on demande à l'infirmière combien de globules blancs. 16
500 !!! On sort des Soins le sourire aux lèvres. Une fois sorti des Soins, rendu dehors, on se
prends par le cou, on danse, on crie 16 500, 16 500. On embarque dans la van de Josée, on crie
encore 16 500. On est extatique. On va au bar tout près de chez moi, chez Biddles. On prends un
dimanche le 3 novembre
Denis est très éveillé, il est content de nous voir. On lui serre les mains, on l'embrasse bien
fort. Je voulais t'appeler, me dit-il, (avec ses lèvres) en m'accueillant. Il veut mon adresse et mon
numéro de téléphone. Je lui écrit mon numéro de téléphone 847-1845 sur une feuille avec mon
nom. Il prit la feuille en deux et la mets sous sa jaquette, près de son coeur. J'ai mal à ne pas
verser une larme mais je souris, je suis aux petits oiseaux.
Un tour d'horizon, le respirateur est à 10, l'oxygène à 100%, son coeur a monté à 95, sa
pression est à 120 sur 70. Le médecin arrive, je lui sourie. elle prends son wedge, à 15, c'est beau,
sa température 37.4, c'est beau. Denis écrit: "Mon méde ?". Je lui parle du Dr. Dion.
Mais peu de temps après, Denis grelotte, il a froid, je vais dans la lingerie lui chercher une
couverture de flanelle. Il est plus fort aujourd'hui, il écrit, il veut ses lunettes. Il a de la difficulté à
entendre, c'est normal d'après l'infirmière. Tiens, son urine augmente: 57 cc d'urine durant 8
heures le jour. Aujourd'hui, ils ont changé le rein encore, ils ont aussi changé les cathéters de
côté. D'autres résultats de tests, son potassium est trop bas 3.3, son PTPTT est trop bas
Durant la soirée, vers 19:30, un technicien vient pour vérifier le respirateur et lui enlever
ses sécrétions. Après, Denis a un peu de difficulté à respirer. Le technicien a déplacé le ballonnet
et depuis Denis respire mal. Il est essoufflé et se sent inconfortable. Vers 20:15, après le
changement des draps, le technicien revient. il veut des sécrétions mais ça ne fonctionne pas.
Denis s'essouffle, il respire de plus en plus avec difficulté. Il se calme un peu, mais a toujours de
la difficulté. Vers 21:30, de nouveau, le technicien essaie d'avoir des sécrétions. Peine perdue.
Son coeur baisse à 55, sa pression monte à 165. On appelle le médecin. On nous dit à Claudette et
à moi qu'ils vont lui enlever le tube, sous anesthésie et remettre un autre tube. Ca permettra
d'enlever les sécrétions, en même temps. Sa pression est très haute, il s'essouffle, s'énerve. il faut
Claudette et moi, on va en bas au café. je suis énervée. Claudette essaie de me rassurer,
c'est peine perdue. J'ai peur qu'elle me dise je ne sais trop quoi . Quinze minutes après, je me
décide, on retourne, ils ont dû avoir fini. Sitôt arrivées, Denis s'élance vers moi, il halète, respire
de plus en plus fort, les yeux fous, il regarde partout et nulle part, il est hors contrôle. Il s'agite,
fait des sauts brusques, une chance qu'il est attaché. On nous dit qu'on ne lui a pas enlevé son
tube, tout va être correct, on lui a prescrit quelque chose pour ventiler ses bronches.
J'essaie de calmer Denis. je lui parle, lui dit que le respirateur respire pour lui, Après une
couple d'heures, il se calme un peu mais il respire toujours de façon laborieuse. Vers 23:00, il
m'écrit: "J'ai fait une crise d’emphysème". peut-être. je lui répète qu'il doit être calme, ça semble
le rassure. Vers 1:00, il vomit un peu, il fait maintenant de la fièvre 38.1, a mal au coeur et son
ventre a dramatiquement monté. de 2 à 3 pouces. Dr Bois est d'accord, son ventre a pris du
volume. Il y a du sang dans le levine provenant de l'estomac. Claudette travaille demain mais on
est toutes deux si inquiètes, on ne peut pas laisser Denis dans cet état, on le rassure, lui parle. Il
est 2:30. L'infirmière en chef rodait autour depuis un moment, elle nous interpelle, ce n'est pas
bon pour le patient, on devrait le laisser dormir . Il faut s'en aller. Je rage. Denis est toujours
agité mais un peu plus calme maintenant, il ne dort pas. Mais non, il vont lui changer le rein, oops
les grosses lumières et vla notre infirmière en chef qui jase tout haut avec un autre. je rage de plus
lundi le 4 novembre
Aujourd'hui, mon patron, Michel Dugré veut me voir. je vais arriver à l'hôpital plus tard, ça
me déplaît. Mais Denis va mieux. J'arrive vers 8:00, Michel n'arrivera que vers 8:30. Mais ça me
donne une chance de parler au monde, de voir Marlène, Denise, Danny et les gars Yvon, Jean,
Éric et Jimmy. Tant de compassion dans leurs yeux, je leur conte un peu ce qui se passe, les reins,
la morphine, les globules blanches qui descendent. C'est un très bon signe. Puis, Michel arrive: on
parle un peu d'ouvrage, il me rassure que mon poste sera toujours là, je lui dit que tant que Denis
sera aux Soins, je ne peux pas travailler. Il est très compréhensif. il parle même de la possibilité
que je me fasse payer par l'assurance-maladie du trust Général. C'est pas garanti mais c'est à voir.
On remonte au 10e étage, je parle un peu plus aux filles, à Jean, Jimmy, Yvon. J'ai hâte
d'arriver à l'hôpital. je doit aller à la banque, chercher de l'argent et demander pour une marge de
crédit. ça y est, je signe les papiers, $5 000, ça suffit, oui, oui. il faut que mon patron signe un tel
papier pour certifier mon salaire. Je coure au 10e, le donne à Michel et me sauve, vite un taxi. j'ai
hâte de voir Denis, il est presque 11:30. D'abord que Denis est correct.
Bon, Martine son infirmière est là. Martine prend bien soin de Denis, elle dit que lui et elle,
c'est de la symbiose. Denis dort les yeux ouverts, elle essaie de les lui coller avec du scotch-tape.
Elle lui parle en le lavant, quoiqu'elle fasse, elle lui parle. C'est un ange.
Denis est calme, mais il fait de la fièvre 38 C, il a beaucoup de gaz, toujours le ventre
gonflé, il rote, il a des selles. Dans l'après-midi, sa température baisse à 37.6 C. Une culture est
faite de ses sécrétions. Son insuline est monté à 4. le respirateur a été descendu ce matin à 4, puis
cet après-midi à 2. Il a reçu un culot de sang. Il urine un peu plus, près de 20 cc de l'heure, son
potassium est trop bas. Cet après-midi, il dort presque tout le temps, il a beaucoup de gaz et est
très ballonné. Le technicien est revenu pour mettre un orthèse sur son pied gauche; Denis s'est à
Dans l'après-midi, j'entends Dr Dion tout près, elle parle à deux autres médecins, elle parle
de Denis et elle a l'air fière. Elle dit que Denis était un cas extrême et qu'en désespoir de cause
dimanche, elle lui a donnée du mipenem, et vlan, il va mieux. Elle a l'air radieuse, cette femme, si
fière. ça me tente de danser, de voler, la tête me tourne tant je me sens survoltée. Il va mieux, il va
mieux, il va mieux. Je répète à Denis, tu vas mieux, tu vas mieux, tu vas mieux.
En face, un nouvel arrivant. et une famille éplorée. Ils sont trois ou quatre, toujours à son
chevet. la vieille dame est entourée, elle semble si fragile, elle va tomber si on l'a prend pas par la
Je demande à Denis comment il va. Avec ses lèvres, il me dit 'ça va mieux' et il sourit
presque. Je dois partir, il est tard. Denis m'écrit: "je . couche.". je ne comprends pas. Plus tard,
Denis ne dit qu'il me demandait ainsi de coucher avec lui aux Soins.
mardi le 5 novembre
J'arrive très tôt, avant 8:00. L'infirmière de nuit, une autre Martine, une belle jeune femme
aux longs cheveux blonds, me dit qu'il a bien dormi cette nuit, pour la première fois. Son
infirmière de jour, Martine la rousse ne me demande pas de quitter la chambre pour laver Denis.
Elle me passe le savon, je lave son coté gauche, Martine son coté droit. On se le partage.
Aujourd'hui, Martine lui lave les cheveux. (une autre fois, couper la barbe et raser par Claudette).
Elle me passe la crème, je massage son pied droit. Le pied gauche est figé, immobile, je n'ose pas
Martine n'aime pas que Denis dorme les yeux ouverts. Elle lui mets très souvent de la
crème dans les yeux et elle lui mets du scotch-tape. Ca tient à peine, elle en remet d'autres.
Martine est de plus en plus enchantée. Martine s'est approchée de lui et avec une voix haute et
forte, elle lui a dit: Denis, tu es à l’hôpital Maisonneuve, on est le 5 novembre, tu as eu un
accident le 10 octobre, tu vas mieux".
C'est ca qu'il vaut faire, je vais changer ma chanson. Elle est fantastique, Martine, je répète
à Denis le nouveau boniment à toutes les quinze minutes, ou plus. Denis s'éveille. Il s'endort à
tous les deux minutes et ne se souvient pas de la fois précédente.
Denis écrit: "1 - lunettes et 2 - correction auditive Havre-S". Je réalise que Denis avait de
la difficulté à entendre. Martine me dit que c'était normal, vu les antibiotiques. Je lui essaie ses
Je commence à penser à demander à Dr Dion pour m'écrire une lettre pour mon employeur.
Peut-être qu'ainsi, le Trust me payerait. je devrais essayer. Martine me dit que Dr Dion ne fait pas
ce genre de choses-là. Et puis, ma présence est moins justifiée qu'avant, Denis va beaucoup
mieux. Elle trouve que j'ai un très bon employeur, de pouvoir prendre du temps de congé si
Il fait encore de la fièvre 37.5 C. Durant la nuit passée, ils ont fermé le respirateur à zéro. Il
respire bien par lui-même. Le taux d'oxygène est à 100%, son coeur à 100, sa pression à 150 sur
70, son wedge à 12. Il a toujours beaucoup de gaz, on va faire un échographie de son ventre. Mais
il n'a pas mal au coeur. Il dort constamment. Sa cuisse gauche est, tout d'un coup, durcie et
gonflée; Martine pense que c'est causé par l'orthèse.
Tiens, Dr Dion regarde une radio. C'est le fémur de Denis, j'en suis sûre; ça n'a pas l'air trop
reluisant, il a une cassure totale à peu près 4 pouces au-dessus du genou, puis le fémur est fendu,
Denis dort toujours. Je fais le tour, son insuline est toujours à 4, sa morphine toujours à 8.
En plus, il reçoit du travasol, un liquide jaune pour son alimentation et de l'intra-lipide qui
contient 20% d'huile de soya. A tous les jours, on lui donne un liquide - du fer, de façon buccale.
Son suan permet de mesurer sa pression 150 sur 70 et la pression dans l'oreillette et l'artère
pulmonaire. (la tige passe dans la gorge et près de l'oreillette et l'artère pulmonaire. Pour sa
dialyse en hémo-filtration, il reçoit du dianeal R, de remplacement, C'est ce qui rentre dans le
patient, et c'est ce que les infirmières ont à calculer à toutes les heures. le dianeal D de dialyse va
directement dans le rein artificiel. Puis , il a de héparine pour éclaircir le tout. Il a reçu un culot de
sang aujourd'hui. son gaz artériel est bon, la couleur de ses sécrétions est blanche, c'est bon. Mais
il a froid et fait de la fièvre. Ils ont cessé l'ampho-B aujourd'hui.
Je lui demande comment il va: il me dit, avec ses lèvres 'ça va mieux'.
Ce matin, une physiothérapeute arrive, elle a l'air extrêmement gentille, elle fait faire des
exercices de respiration à Denis. Elle lui montre comment bien respirer, avec son ventre. Denis
apprend vite. Elle met un rouleau-serviette sous son fémur cassé pour le soutenir. Il doit porter
Dans l'après-midi, on lui enlève son tube. Par après, il dort. Pierre, son neveu vient, il vient
tous les mercredis. Denis dort, je lui dis que Denis était éveillé ce matin. Pierre est tellement
calme, tellement gentil, avec des yeux si bienveillants. Si Denis avait eu un fils, j'aurais aimé que
Pierre soit son fils. Pierre, Sylvie et France, ce sont un peu nos enfants.
À cinq heures, avec Laurent, on rencontre Dr Dion. Elle nous emmène dans le bureau de
l'aumônier. Elle n'a même pas de bureau. c'est elle le boss des Soins intensifs et de l'unité
coranienne, elle est en charge de plusieurs spécialistes, résidents, plusieurs infirmières, préposés,
une quarantaine de patients et pas de bureau. Elle est en forme, elle sourit, fait des farces. Laurent
et elle semblent se trouver mutuellement agréables. C'est vrai, elle adore flirter, je l'ai déjà vu
avec Dr Cardinal, le docteur aux bottes de cow-boy.
Elle raconte que les orthopédistes veulent le corps de Denis pour l'opérer mais que ce sera
par-dessus son corps à elle. Elle va s'allonger devant s'il le faut mais il n'auront pas Denis.
Laurent et moi, on se porte volontaires pour protéger Denis également. Elle accepte, à la
condition que Laurent est empilé près d'elle. Elle rit à pleines dents. Elle est contente, elle dit
qu'elle commence à voir une petite lueur d'espoir. Elle dit que elle, elle n'avait pas d'espoir, qu'elle
voyait bien que nous, on en avait mais c'est trop désespéré ; elle ne pouvait pas se permettre
d'espérer. Elle conte que malgré elle, elle s'attache plus qu'elle ne devrait à certains patients, à
certaines familles et nous, on doit le savoir, c'est un de ces cas. Elle veut que Denis guérisse,
autant que nous, dit-elle. Elle est agréablement surprise de l'état cérébral de Denis, elle dit qu'elle
a rarement vu un patient avoir un réveil si bon et si conscient. Bon, on est fier de toi, Denis. Elle
parle, elle jase, sans qu'on lui demande, elle répond à presque toutes les questions sur ma liste.
Pour le long terme, je les oublie, l'important , c'est maintenant. Le long terme aux Soins, ce n'est
jeudi le 7 novembre
Denis va bien; il sait quel jour nous sommes, sans que je lui ai dit. Ses globules blancs ont
monté à 22 000 ce matin. ça m'inquiète. Il fait de la fièvre, 38.5 C mais il n'a pas froid, il ne
cherche plus à s'abriter, comme avant. Il respire bien mais son gaz artériel est un peu plus bas, il a
un masque d'oxygène depuis hier, ça a l'air à l'incommoder royalement. il veut enlever son
masque à tout bout de champ. On veut prendre une culture de ses sécrétions, Pour ça, il faut qu'il
crache dans un petit bocal. Il a craché une fois mais dans un kleenex.
Il a mal à la jambe droite, à son bassin, aux fesses, donc, on monte sa morphine à 12, son
wedge est à 9, sa TVC à 15, ça veut dire quoi ., son coeur à 120, sa pression 110 sur ., sa
pression de l'artère pulmonaire à une courbe irrégulière. Il a mal au ventre à droite vers le milieu
des côtes. Il a mal aux poumons, se sens comprimé. Il a du liquide au poumon gauche: ils vont le
drainer et le ponctionner et analyser le liquide, en faire une analyse micro-biologique Pour voir si
c'est infecté. Sa jambe droite a encore enflée; Ils vont la ponctionner ce soir, ça doit être une
Quand je lui demande comment ça va, il me répond 'ça va mieux, avec les lèvres. Mais, il
ne sourit pas et il a l'air de répéter quelque chose d'appris.
Cet après-midi. il a passé un scan au complet pour le ventre vers 17:00. C'est toute une
affaire, le déplacer. Il a fallu que Dr Desjardins viennent pour enlever sa traction, personne n'ose
toucher à ça ici. Puis pour le scan, ils on dû enlevé l'hémo-filtration vers 11:00. Vu qu'il n'a pas
d'héparine , son PTPTT sera plus normal et ils vont pouvoir le ponctionner pour sa jambe et ses
poumons. Dr Dion me dit que son scan est beau, que la priorité, c'est de drainer ses poumons et
s'il a une infection, ils vont le traiter. Si tout est négatif, si le liquide de ses poumons n'a pas de
bactéries. Ils vont recommencer l'ampho-B ce soir pour essayer de faire descendre les globules
Il a recommencé à saigner, son cathéter artériel sur la jambe droite. Son oxygène est à
100% avec son masque, sans masque pour 2-3 minutes, ça descend à 96%. Il a passé un
électrocardiogramme cet après-midi; tout est beau, son coeur est normal.
La physiothérapeute est venue, surtout des exercices de respirations encore, plus elle a
apporté un tube bleu dans lequel Denis doit respirer, il doit faire monter la boule blanche, il doit
faire cet exercice 5 minutes à toutes les heures.
Il est plus éveillé que les jours précédents, il met ses mains derrière la tête, se soulève un
peu à l'aide de la trapèze au-dessus de sa tête. Il n'a pas dormi de la journée aujourd'hui et il n'a
pas dormi la nuit dernière (Martine, son infirmière de nuit, m'a dit ce matin qu'il a tenu ses yeux
grands ouverts toute la nuit). Denis trouve qu'il a maigri; oui, probablement quarante livres ou
Ce soir, ils ont essayé de drainer la jambe de Denis; ils ont sorti du sang suffisamment pour
en faire un test mais ne draineront pas. Denis fait de la fièvre ce soir - 39C vers 21:00; on lui
donne du Tylénol et on a mis un ventilateur dans sa chambre. Son coeur bat un peu moins vite; a
descendu de 118 à 106 après le scan et le drainage pulmonaire. On a recommencé l'hémo-
filtration vers 21:00, vu que le potassium montait trop haut.
Vers minuit, on me dit qu'il n'y a pas de bactéries dans le liquide des poumons et dans sa
jambe, une seule colonie. Donc, il n'est pas infecté, seulement une petite infection locale à la
jambe; on ne drainera pas sa jambe - ce n'est pas nécessaire. On recommence donc l'ampho-B.
vendredi le 8 novembre
Denis va moins bien, je n'ose pas lui demander comment il va. Mais il fait moins de
température ce matin - 38C, son coeur est à 110, sa pression 100 sur __, sa morphine à 12, son
insuline à 12, son travasol à 80, l'hémo-filtration D à 1000, il reçoit les antibiotiques suivants: de
Ses globules blanches sont à 27 000 ce matin. Et on continue à drainer son poumon gauche
- il sort du sang un peu. Il est presque immobile, ne répond presque pas, il dort quasi tout le
temps. Sa peau est jaunâtre, pâle. Il n'ont rien trouvé au scanner d'hier. Malgré tout ca, je suis
optimiste, je suis sûre que Denis va guérir. Il est sur le bon chemin, il ne va pas aussi bien qu'au
début de la semaine mais ca reviendra. Denis est plus tranquille, il dort beaucoup. Il est pâle. On
me dit qu'il a dormi toute la nuit, qu'il a même ronflé.
Denis a mal au bassin; il déplace son Thomas et ça va un peu mieux; il dort on-off depuis
10:30. Sa température reste stable, monte un peu à 38.3 puis descend à 37.7 et il n'a pas froid. Il
bouge ses bras de temps à autre. Il a commencé à cracher, hier trois fois, une fois aujourd'hui.
Quand je lui demande comment il va, il dit avoir des gaz. Il me semble que la couleur de sa peu
est un peu plus rosâtre qu'hier mais elle est très pâle.
C'est un autre changement de reins vers 17:00; cette fois-ci, je me fais toute petite, toute
silencieuse tout près de la tête de Denis, de mon côté; le médecin résident et les deux infirmières
ne me renvoie pas comme d'habitude; on mets une serviette sur le visage de Denis et on lui
change son rein artificiel. Denis dort tout le temps; je lui serre la main. Peu de temps après
Claudette arrive; je suis si contente de la voir; Denis la reconnaît et il sait quelle date on est. Il dit
avoir manqué la fête d'Yvette, le 1er novembre. Mais il commence à avoir des frissons; je vais
chercher une couverture de flanelle dans la lingerie; Denis dors encore presque tout le temps, il
reste éveillé 2-3 minutes, puis il se rendort.
Ils ont cessé l'héparine pour deux heures ce soir; à cause de ça, son PTPTT est un peu trop
allongé; ils ont augmenté son héparine par la suite. Claudette remarque que son coeur est
maintenant à 105 (a descendu de 110), sa pression est à 90 sur 50, son héparine autour de 16 vers
21:00, son dianéal R à 416 et la recette à +50. Il a reçu un culot de sang vers 21:00; il en recevra
Louise arrive vers 20:00, le sac au dos. Elle est essoufflée, elle se tient tout près de Denis et
lui tient la main très fort. Nous avons juste un côté de Denis qui nous est accessible. L'autre côté
est réservé aux fils, aux potions magiques, au rein artificiel, aux infirmières, aux résidents et aux
médecins. Nous allons très rarement sur l'autre côté. D'habitude, nous nous tenons, toutes les
21:30 Un peu à regret, on part. Louise n'a pas soupé, je gage. Sans dire un mot, nous
descendons la côte sur la rue Assomption. Je lui demande: et puis, comment trouves-tu Denis Un
peu pâle, dit-elle. Je l'assure qu'il est un peu mieux qu'hier. On parle de Gina.
Ce soir, je revois encore les mêmes images de funérailles. Je les chasse bien vite. J'implore
samedi le 9 novembre
6:00 je me réveille en sursaut. Louise dort profondément. Je devrais me rendormir. Non, je
veux aller à l'hôpital. Je me lève, tourne en rond. Vers 6:30, je ne peux plus, Louise se réveille,
elle va venir me rejoindre plus tard, elle semble si fatiguée. je pars vers l'hôpital Bon, le métro est
ouvert, sait-on jamais | Ca me réconforte tellement quand Louise est là, avec son calme
imperturbable, sa sympathie silencieuse. Je suis maintenant une habituée du métro, Louise aussi.
J'arrive, à la course, comme d'habitude. à peine la porte des Soins entrouverte, j'aperçois un
rassemblement près du lit de Denis. AH c'est quoi, c'est LA PANIQUE ! Il sont deux ou trois à
s'affairer au pied du lit de Denis. Denis est haletant, il ne me voit pas; ses yeux sont super excités,
sa pulsation est près de 150. Son infirmière de nuit, Martine est là au pied du lit, elle me dit que
Denis ne va pas bien, pas bien du tout. Elle m'explique que vers 5:30, le rein artificiel a cessé de
fonctionner. Et depuis ce temps-là, ils attendent une équipe pour remplacer le rein. Et c'est pour
ça que ses poumons sont remplis d'eau - ils ont pris un rayon-x, c'est une véritable tempête là-
dedans. Dr. Vézina, la résidente de garde est encore là, je me retourne vers elle; elle m'explique:
Denis a ., trois lettres, elle me lance à la figure. Je la regarde d'un air ahurie. Elle me répète les
mêmes trois lettres et m'explique que Denis a de l'eau sur les poumons et que c'est grave.
Normalement quand quelqu'un a de l'eau sur les poumons, il marche, il urine et ça passe; l'eau est
normalement éliminé lorsqu'on urine. Mais, malheureusement, le rein artificiel a cessé de
fonctionner vers 5:00. Vers 6:30, on s'est aperçu que Denis avait de la difficulté à respirer, c'est
une tempête aux poumons, on a pris une radio des poumons et c'est une tempête. C'est quoi il faut
faire ? Il faut, au plus vite, remettre le rein artificiel, il n'y avait personne de disponible cette nuit.
Une équipe a été appelée, elle sera là sous peu. Je regarde le moniteur; son coeur est à 150, sa
J'approche de Denis. J'essaie de rassurer Denis, je ne sais pas s'il m'entends. ll est immobile,
les yeux mi-clos, il halète constamment. Toute son énergie est prise à respirer, respirer fort, sans
cesse. Je remarque le moniteur, son coeur est très haut, à 170, (je ne me souviens pas de sa
pression mais je pense qu'elle était très haute). Je prends la main de Denis et lui explique que
l'équipe des reins artificiels va arriver bientôt, et que ça va le guérir. Il faut être patient, lui dis-je,
ils ont été appelés, ils s'en viennent et après, tu vas respirer correctement. Tu as un peu d'eau dans
les poumons. Ca va se guérir. Denis ne réagit pas, il respire tellement fort et il est tellement
7:45. Dr. Dion arrive ! Que Dieu soit béni ! Ah que je suis contente de la voir. Elle est
entourée, comme d'habitude, cette fois du Dr Jean Cournoyer et d'au moins un autre résident. Elle
jette un coup d'oeil rapide vers Denis, regarde le moniteur, se retourne vers la horde de résidents
qui l'entourent et déclarent "Cas classique d’arythmie ! Qu'est-ce vous en pensez" Les résidents
semblent parfaitement d'accord. Dr Cournoyer voit bien que je ne comprend pas, il répète "de
l'arythmie, le rythme du coeur est débalancé". Dr Dion m'explique c'est quoi, l’arythmie, elle ne
semble pas contente du tout, ses sourcils sont froncés mais son ton est bienveillant. Elle
m'explique qu'ils vont donner un médicament à Denis et que ça devrait se rétablir ! Bon, j'ai
quelque chose à dire à Denis, je lui dit, toute fière, que Dion est arrivée, qu'elle va lui donner des
médicaments et que tout va se rétablir. Ma voix est plus ferme, plus sûre.
Un électrocardiogramme est commandé, ça presse. Une belle jeune technicienne blonde
arrive avec l'appareil d'électrocardiogramme. Elle graisse Denis un peu, lui dépose les pinces et
électrons un peu partout sur le corps. J'explique à Denis que c'est un test qu'a prescrit Dr. Dion,
que ça ne fait pas mal et qu'on va le guérir, Dr. Dion est ici, il a de bons soins. Le test confirme le
diagnostic de Dr. Dion. Quelques instants plus tard, Dr. Dion arrive près du lit de Denis, un suçon
à la bouche, avec une démarche nonchalante au bout; elle m'explique que c'est l'oreillette qui est
"flat" (et non le ventricule). C'est comme si, d'un coup, Denis fonctionnait sur du 240 au lieu du
L'infirmière de jour arrive, c'est Joanne, ah, j'aurais bien pu me passer d'elle, aujourd’hui.
Tiens, au moins, elle ne perds pas les pédales. Denis fait un peu de fièvre - vite on lui donne du
Là revoici, Dr Dion, avec en main une tisane. Elle se promène tout doucement, en regardant
tout et en buvant de sa tisane. Elle s'arrête près de moi et m'explique qu'elle va donner un
médicament à Denis, du pronostil et que ça devrait agir d'ici une couple d'heures. Sinon, il vaudra
lui donner des chocs, je l'entend dire à l'infirmière, en ajoutant, espérons qu'on n'y sera pas obligé.
On lui administre le médicament de 9:10 à 10:40; son wedge passe de 22,20 à 18 - c’est un peu
moins pire; en effet, ca semble lui faire du bien, Denis respire un tantinet mieux, il est toujours
essoufflé mais son rythme cardiaque a baissé, 160, 150 maintenant, c'est encourageant. Je lui
serre la main et je lui dis que je pars 2 minutes et que je reviens tout de suite. Il faut que j'appelle
Laurent, son frère. Laurent et sa femme Christiane sont supposés être aux Cèdres en train
d'embouteiller le vin. Christiane me répond, Laurent n'est pas là, il est parti au magasin, je lui
explique, tant mal que bien. Je retourne voir Denis en courant presque. Dr Dion est au comptoir,
elle m'accoste et m'explique, à l'aide du moniteur et papier à l'appui, que Denis fait de l'arythmie.
De l'arythmie, c'est un déclic électrique. Il fait de l'arythmie de l'oreillette. Elle me dessine la
courbe de la pulsation cardiaque, en me montrant que si on fait de l’arhymie de l'oreillette, la
courbe vers le bas est 'flat', il n'y a pas de courbe. Dans ces cas, le médicament aide généralement
à rétablir le bon niveau d'électricité. L'important à surveiller, ce n'est pas s'il fait 160, ou 135 mais
c'est la deuxième courbe vers le bas. Forte des ces connaissances nouvellement acquises, je
m'approche de Denis. 148, en effet, tiens, pas de courbe , c'est 'flat' un cas classique d'arythmie,
un "classic-book", d'après Dr. Dion.
J'alterne entre essayer de réconforter, encourager Denis et surveiller sa courbe. Elle est
Enfin, Louise est arrivée. Je l'a prend en aparté, lui explique ce qui arrive et lui demande
d'appeler Maman. Elle s'en va appeler Maman et Claudette. Il faut que Maman sache, il faut que
Maman prie. Moi, je ne peux pas. Louise revient, elle tient la main de Denis, elle me dit que Gina
est chez Maman, elle ne voulait pas que Gina soit au courant de la maladie de Denis, mais. Elle
a expliqué à Maman et Claudette s'en vient.
Il est maintenant près de 11:00. Maman est partie pour la messe de 11:00, elle va prier pour
Denis. Dr Dion arrive, cette fois, un suçon à la bouche. Bon, m'explique-t-elle, le médicament ne
fonctionne pas suffisamment, on va lui donner des chocs, elle va rassembler des spécialistes, il
faut un anesthésique et un cardiologue. Ils s'en viennent. Tout est arrangé". Ä l'entendre, je me
sens réconfortée, sûre que Denis est en bonnes mains. Elle est si calme, si 'cool' que je suis sûre
que tout ira bien. Quelques minutes après, les spécialistes arrivent, il faut que nous quittions la
chambre. On va dans le hall, Claudette est arrivée, je rappelle Laurent. Je m'assoie, des sueurs
froides me prennent, si. si., je ne veux pas y penser. On se tient la main, Louise, Claudette et
moi, sans parler. Quelques minutes encore, on attends comme ça, on prie presque, chacune à
notre façon. puis, on se lève. On va aller voir, on est décidé mais on avance, tout doucement,
presque à reculons. On presse le bouton, la porte s'ouvre, Dr Dion est au comptoir, elle nous fait
le signe de la victoire. AH, je pourrais l'embrasser. On vole voir Denis. Denis me voit, penche un
peu la tête vers moi et soulève son bras droit et me serre, tout doucement dans ses bras. Je suis au
bord des larmes mais tellement heureuse. Tu vas bien, je lui répète, le Dr Dion t'a guéri, tu vas
bien. Ses yeux sont clairs et scintillants et il semble heureux. Puis il s'assoupit et dort un peu.
Vite, on rappelle Maman, Laurent avec la bonne nouvelle. Maman était revenue de la messe avec
Gina. Denis dormait paisiblement. On se relaye Claudette, Louise et moi pour le dîner.
Mais ses globules blanches sont maintenant à 30 000 !
Laurent arrive tôt dans l'après-midi. il aurait aimer voir Dr Dion mais elle est partie, il y a
peu de temps, en recommandant bien de l'appeler pour quoi que ce soit. elle est de garde, je crois.
Denis semble remis, son coeur est normal , autour de 110 avec une belle courbe en bas mais sa
pression est affreusement basse, c'est un contre-effet des chocs, autour de 85. On a dû lui donner
trois chocs électriques. maintenant, on lui donne du bicarbonate et de l’adrénaline à 13 ml/hr pour
monter sa pression. les trois soeurs, on se mets à surveiller sa pression. Denis dort, il respire bien,
il a encore l'air un peu jaune. Il s'éveille quelques minutes, est très conscient et nous sourit et
semble content puis se rendort. Sa pression. tiens, il est déjà 16:00, Joanne part, aujourd'hui,
elle m'a épatée, elle n'a pas perdue son calme, elle a suivi les instructions à la lettre, elle semblait
Peu à peu, la fatigue nous gagne mais on ne veut pas quitter le chevet de Denis, on surveille
sa pression, la courbe de sa pulsation cardiaque. Je comprends maintenant pourquoi on appelle ça
des signes vitaux, la pulsation et le coeur. Je ne porte plus aucune attention aux autres appareils,
sa pression est extrêmement basse, Denis est blême, il ne parle pas et bouge presque pas. Il ne
fait plus de fièvre, mais sa pression reste toujours basse.
Vers 21:30, on part toutes les trois. Sa pression est toujours basse , mais elle va monter.
Louise et moi, on prends le métro, on déambule la colline sans dire un mot, puis je lui demande
comment Gina a pris cela, elle m'explique que maman l'a amenée à la messe et en arrivant, ma
mère avait demandé au prêtre si la messe était dédiée à quelqu'un. Non, bon, elle lui demande de
dédier cette messe à Denis. Pauvre Gina. pauvre chouette, si brave, elle priait avec Maman pour
Denis. Mais à chaque fois que le prêtre prononçait le nom de Denis Fleury, elle pleurait à chaudes
larmes. Quand Louise a parlé à Gina au téléphone, Gina pleurait encore à chaude larmes. La
bonne nouvelle du rétablissement du coeur de Denis a mis fin d’un coup à son torrent de larmes.
On se promène, telles deux zombies. On arrête au dépanneur de façon machinale, on jase
un peu, tout doucement. Puis, je me couche. J'arrange les draps sur moi, je m'installe et puis je
vois Denis, puis cette même image revient, image déjà vue dans mes rêves d'il y a longtemps et
image qui revient depuis quelques jours. Je vois une longue procession d'autos, tout est triste,
sombre et noir. on entre dans une église, ca ressemble à l'église des Cèdres, il y a plein de monde,
à craquer, toute l'usine d'EXPRO est là, Denis était bien aimé, non, non, je repousse les images,
elles reviennent . j'essaie de dormir. Le téléphone sonne. C'est qui, c'est qui, je crie de la
chambre. Louise a pris le téléphone et me dis que c'est Germaine, la femme de Jean-Paul, un frère
de Denis. je lui crie 'dis-lui que je dors'. Louise lui répète que je dors et que Germaine devrait
plutôt appeler Laurent pour avoir des nouvelles. Louise raccroche et je me sens confuse, et puis,
je ne veux pas qu'on m'appelle, Louise est d'accord: ca me prends un téléphone non-listé.
Je m'endors, à travers les images. Seules les incantations semblent faire partir les images.
Denis, tu vas guérir, Denis, tu vas guérir, tu est fort, tu vas guérir.
dimanche le 10 novembre
Sans dire un mot, on monte la colline, Louise et moi. On a peur, on n'ose pas se l'avouer.
On se dépêche, on monte les escaliers en enjambées, on lance nos manteaux derrière la porte et
vlan, on court voir Denis. . Denis est content de nous voir. Il va bien, n'est-ce-pas Louise, il va
mieux. Il parle ce matin, un tout petit peu. Denis nous accueille en anglais, how are you ? nous
dit-t-il. Il sourit. Je le presse contre moi, il me serre la main.
Ses globules blanches sont à 27 000 ce matin, ça fait 48 heures qu'il reçoit de l'ampho-B.
Son coeur est à 110-115 et il ne fait pas de fièvre. Mais sa pression est toujours très basse. Louise
et moi, on surveille sa pression. Ca semble descendre toujours. C’est vrai qu'on ne peut pas se fier
à 100% aux indications du moniteur. Ca devient détraqué après quelques jours seulement. Au
cours du matin, on lui enlève son levine.
Vers midi, sa pression monte en haut de 100; on commence donc à le sevrer de son
Dans l'après-midi, Laurent et Christiane viennent lui rendre visite. Denis a un masque
d'oxygène et il a de la difficulté avec. Il veut l'enlever constamment. Il veut l'arranger et le
réparer, d'après lui, il fonctionne mal. Ca me fait sourire, voici mon ingénieur à l'oeuvre, il y a un
problème, il veut le résoudre. Mais je m'aperçois petit à petit que Denis dit des choses non
logiques, il veut peser le masque avant et après, il veut le réchauffer. il délire. Denis tortille son
masque à oxygène, l'enlève et veut mettre quelque chose dedans pour l'empêcher de . Mais voilà
qu'il parle de défaire, de mettre des choses dedans, c'est incompréhensible, c'est décousu et j'ai des
frissons dans le dos. Il continue, comme ça un bon bout de temps. Dr Bois est là, je lui dit que je
pense que Denis délire, elle me regarde en hochant de la tête. AH non, je suis fatiguée, il faut que
Denis aille mieux, tu vois, il est correct. Mais je ne suis pas sûre, ses yeux sont moins beaux et il
Dr. Dion n'est pas ici aujourd'hui. Toute la journée, on essaie de sevrer Denis, c-à-d. de lui
enlever progressivement le médicament de 13 à 9, à 7, puis à 5, puis à 3. Aussitôt que sa pression
a atteint 110, on a débuté le sevrage. Au début, sa pression se maintient à 110. Mais, au cours de
l'après-midi, sa pression baisse tranquillement à 90, puis à 80, puis à 70. Peut-être que l'appareil
est mal ajusté; ca arrive que ça se déajuste. Ca semble descendre de plus en plus en vite, j'ai peur,
je surveille. Denis devient de plus en plus figé.
On change d'infirmière, c'est maintenant . je ne la connaît pas ou à peine. Denis, tu vas
aller mieux, je lui répète, Denis tu vas guérir, tu es fort, tu vas guérir, tu est fort, tu vas guérir, tu
as de bons soins ici, tu vas guérir, je t'aime, tu vas guérir, tout le monde t'aime, tu vas guérir.
Denis est de plus en plus somnolent, il dort, comprend de moins en moins.
Vers l'heure du souper, j’en parle avec Claudette, une des infirmières, de sa pression qui
baisse. Elle fait des farces, disant que j'essaie de faire sa job - ça me rassure un petit peu. Mais sa
pression descend toujours - elle est en bas de 90. On va souper, Louise et moi, à tour de rôle,
comme d'habitude. Denis bouge presque plus, il prend toute son énergie pour respirer, il semble
Sa pression baisse toujours. On essaie de lui donner du volume. Puis on monte l’adrénaline
à 13 ml/hr; sa pression monte, descend de façon erratique, puis semble se stabiliser autour de 110.
Deux ou trois infirmières semblent le surveiller constamment. Denis ne répond plus quand on lui
crie, il devient inconscient. Vers 19:30, son infirmière me dit d'un ton de panique - "il faut sortir,
Denis va mal, sa pression est trop basse et il faut qu'ils s'en occupent - tu peux rester deux
minutes, sans plus, après, on verra." Il faut sortir. Je prends Denis par la main, je le regarde, il est
blême, immobile, il ne répond pas, il ne bouge pas. je ne sais pas quoi lui dire. J'ai tout d'un coup
l'impression qu'il ne m'entends plus, qu'il est très loin. Je sors à reculons, je me tiens autour.
Louise et moi, on va sur les bancs, en face de la radio, Mais je tiens pas en place, je retourne aux
Soins, je m'approche de la chambre de Denis, mais de l'autre côté pour que l'infirmière ne me voit
pas, j'aperçois Denis, au fond, immobile, l'infirmière s'affaire autour de lui. J'arrête un instant au
poste de garde, je cherche le moniteur de Denis, je crois que c'est celui du centre. Tiens, sa
pression est 240 sur 180, il ont dû faire quelque chose de drastique pour faire monter sa pression,
j'approche encore un peu plus, J'entre à l'intérieur du poste, mon infirmière s'approche,
m'interpelle 'Mme Fleury, vous n'avez pas d'affaires là, il faut partir, on pourrait vous accuser de
vol'. Son ton de voix est strident, énervé, paniqué. Son ton, plus ses paroles brusques me font
reculer. Je retourne, je jette un dernier coup d'oeil vers Denis - il semble y avoir moins de monde.
Un frisson me parcourt le dos. Je retourne vers Louise, je ne sais plus quoi faire.
Tiens, je veux appeler Laurent. je lui explique, Laurent me demande si je veux qu'il vienne
aux Soins. Oui, il s'en vient, avec Christiane. Je retourne m’asseoir, je n'ose pas retourner aux
Soins. Dr Bois passe, elle arrête en passant et me dit qu'elle s'occupe de Denis et que bientôt je
pourrai le voir. Je lui dis, en hésitant, que le Dr. Dion avait dit qu'on pouvait l'appeler en tout
temps. elle me sourit. J'ai dû l'offusquer mais je m'en fous, c'est trop important. Des images
sombres, horribles se dressent devant moi, j'y résiste. Denis, tu es fort et tu vas guérir. Tiens,
j'appelle Claire, une cousine, une infirmière avec beaucoup d'expérience. je lui explique le cas,
pauvre Claire, elle me dit que c'est un cas de Soins Intensifs aigu. je le sais, elle ne peut pas
savoir, elle est extrêmement gentille et elle essaie d'être réconfortante tout en ne disant rien.
J'admire sa manière de faire, je la remercie. Pourquoi je l'ai appelé ? Louise a un air décidé, elle
me dit Denis va guérir. Je lui serre les mains très fort. Sa force et sa détermination me pénètrent
jusqu'en dedans et moi, aussi, je suis sûre que Denis va guérir. Il le faut. Louise appelle Maman et
Claudette. Laurent et Christiane arrivent. Laurent, lui, ne tient pas en place. Il va voir son
infirmière. Je vais aux toilettes en face; c'est la meilleure place pour te parler directement Denis,
Denis tu vas guérir, garde ton coeur bon, ta pression haute et bonne, tu vas guérir, tu es fort, tu
vas guérir. Laurent va voir Denis, il ne peut pas le voir, L'infirmière lui dit qu'il va mal, d'attendre
en dehors des Soins. il en sait pas plus. on attends. on est déterminé et on attends. Laurent fait une
farce, on sourit. Laurent repart vers les Soins. Chacune est plongée dans ses pensées.
Soudain, dans le passage, je vois un cardiologue courir comme un fou, celui qui est
spécialiste pour le coeur, celui dans lequel Dr Dion a confiance. il court à toute vitesse, ca doit
être pour Denis J'ai des frissons. Je me lève, les yeux égarés, je tremble, je m'agrippe au comptoir.
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